L'Europe a-t-elle perdu la guerre des idées ?
Soucieuse d'être comprise par le plus grand nombre, Thérèse Delpech a choisi de s'exprimer dans un langage simple et direct, mais dans un style élégant. N'oublions pas qu'en plus d'être chercheur, l'auteur est agrégé de philosophie. Voilà un parcours peu banal qui transparaît dans son discours qu'elle égrène -quitte à en abuser- de citations philosophiques et de nombreuses références scientifiques.Fervente admiratrice de Paul Valery et de Raymond Aron qu'elle cite à de nombreuses reprises (il est clair qu'elle n'est pas de ceux qui affirment qu'il " vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron "...) elle fait également référence à Hannah Arendt, Tocqueville, Nietzsche, Freud, Orwell, Diderot, Clausewitz, Schopenhauer ou Oppenheimer.
Delpech propose des clés pour comprendre le monde actuel et les menaces qui pèsent sur lui. Les arguments qu'elle avance semblent réalistes, intelligents et, si son essai n'est pas très optimiste, elle ne joue pas pour autant les Cassandre. Elle démontre ce qu'elle avance avec des arguments assez convaincants, mais fait montre d'un parti-pris parfois sujet à caution. En revanche, elle propose des solutions ou, tout au moins, différents scenarii possibles pour tenter d'éviter le pire... puisque le pire n'est jamais sûr.
Rapprocher la politique de l'éthique
Dès le prologue, le ton est donné : " La politique ne pourra pas être réhabilitée sans une réflexion éthique. Sans elle, de surcroît, nous n'aurons ni la force de prévenir les épreuves que le siècle nous prépare, ni surtout d'y faire face si par malheur nous ne savons pas les éviter.(...) Rapprocher la politique de l'éthique est un devoir envers les vivants. Mais c'est aussi un devoir envers les morts. ". La question de la " vérité " est posée. Pour conjurer le " mauvais " sort qui pourrait -soixante ans après la dernière guerre mondiale- s'abattre à nouveau sur l'humanité, le devoir de mémoire paraît indispensable. Et ce travail de mémoire ne doit pas se limiter pas au souvenir des génocides commis au nom du nazisme ; il doit être effectué aussi pour tous les autres massacres. Ceux perpétrés au nom de l'idéal soviétique et de " l'égalité des conditions " ; les dizaines de millions de morts au nom du " Grand Bond en avant " et à la Révolution culturelle chinoise tout comme le massacre d'un tiers du peuple cambodgien par les Khmers rouge. " Un des grands problèmes de la Russie -et plus encore de la Chine- est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n'ont jamais été libérés et qu'il n'y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. " écrit-elle. Si tel avait été le cas, je doute que nos anciens " soixante huitard " dont beaucoup ont fini notaires... (comme l'avait prévu Marcel Jouhandeau en 68) politiciens ou directeurs de journaux, oseraient encore revendiquer leur passé maoïste ou trotskyste.
L'Occident                  a toujours pris le parti des dirigeants contre le peuple
         Comme le souligne l'auteur à propos des " 20 crises                  oubliées : de l'Ouganda à la Corée du Nord                  " le " devoir d'intervention, la responsabilité                  de protéger les peuples " prôné par                  Kofi Annan, Secrétaire général de L'ONU,                  risque bien de rester lettre morte face à l'impuissance,                  pour ne pas dire l'indifférence, des pays occidentaux :                  " A quoi bon demander à ceux qui ne portent qu'un                  regard distrait sur les événements dramatiques qui                  se produisent sous leurs yeux de se projeter dans les 20 prochaines                  années pour y puiser quelque norme de prudence capable                  de protéger les individus qui viendront après eux                  ? ". Qui s'élève, en effet, aujourd'hui                  contre les tragédies du Darfour (au moins 200.000 morts),                  de la Tchétchénie (au moins 300.000 morts), les                  hôpitaux psychiatriques où pourrissent les dissidents                  chinois et les camps spéciaux en Corée du Nord?                  Le XXème siècle est décrit comme le plus                  meurtrier de tous : " une des causes principales de cette                  régression a été la dynamique de la passion                  égalitaire(...) C'est en son nom que certains des plus                  grands crimes ont été commis en Russie, en Chine,                  en Corée du Nord ou au Cambodge. La rapidité avec                  laquelle la liberté lui a été sacrifiée,                  l'ampleur des souffrances humaines qui lui ont été                  consenties, la complicité d'une partie du " monde                  libre ", figurent parmi les plus grands désastres                  humains. ". Et de faire les comptes, après avoir                  rappelé que "Pour la Chine comme pour la Russie,                  l'Occident a toujours pris le parti des dirigeants contre le peuple.                  Chaque fois qu'un nouveau potentat écrasait le peuple,                  il a été salué par les gouvernements et les                  intellectuels " constate-t-elle amère.
         " Entre l'URSS, la Chine, le Cambodge et le Vietnam, on                  compte 100 millions de morts. Ajoutons les tragédies oubliées,                  comme celle du million de morts afghans à la fin de l'opération                  soviétique. Mais ce ne sont là que des statistiques,                  comme on en cite depuis la fin de la guerre froide : 150.000 morts                  en Algérie, 180.000 morts et 20.000 disparus en Bosnie,                  200.000 morts en Tchétchénie, un million de morts                  au Rwanda, autant au Congo, plus de 300.000 morts au Darfour(...)                  Ceux qui se trouvent dans les camps nord-coréens (plus                  de 250.000 personnes) sont, parmi les martyrs actuels, les plus                  difficiles à faire parler et ceux auxquels on pense le                  moins souvent. ".
1905                  - 2005 : des signaux forts annonciateurs d'orage
         En plus de l'appeler à la raison, Delpech rappelle l'Europe                  à l'ordre : " Ce qui se joue à présent,                  c'est la capacité de l'Europe à assumer des responsabilités                  internationales dans un monde profondément troublé.                  ". Elle établit un parallèle entre l'année                  1905 et 2005 : " La fin de la pièce ouverte en                  1914 a peut-être été fixée un peu vite                  au moment de la chute de l'URSS(...) Mais la scène de cette                  pièce était dans le monde, non l'Europe, et il n'y                  a pas encore eu de dénouement dans la partie asiatique(...)                  Des deux guerres mondiales, on ne retient que l'histoire occidentale(...)                  Dans une autre partie du globe, c'est une autre lecture qui prévaut                  avec l'occupation japonaise, l'avance des troupes soviétiques                  en Extrême-Orient, la révolution chinoise, le repli                  du Kuo-Min-Tang à Taïwan, puis la guerre de Corée(...)                  On limite la planète à notre monde et on s'interdit                  de comprendre les défis stratégiques les plus importants                  de notre époque, qui ne sont plus en Europe (...) Savoir                  si la guerre froide était un substitut de la guerre ou                  une préparation à la guerre totale ".
         Cette approche me semble d'autant plus intéressante et                  originale que la plupart des observateurs actuels ont plutôt                  tendance à comparer le début du XXIème siècle                  avec les années 1920/1930 marquées par leur lot                  de frustrations teintées d'un nationalisme revanchard.
         En 1905, des " signaux forts " étaient annonciateurs                  d'orage : la guerre russo-japonaise et l'effondrement de l'empire                  russe avec la 1ère révolution russe ; la montée                  du militarisme japonais, la première crise marocaine entre                  la France et l'Allemagne, la montée du rôle de l'Amérique                  dans les affaires mondiales (au détriment de l'Angleterre).                  " 1905 a été une des années les plus                  dramatiques du XXème siècle " souligne l'auteur.                  " Des erreurs majeures ont été nécessaires                  dans plus d'une capitale européenne pour que la machine                  infernale se mette en route " écrit-elle en attirant                  notre attention sur l'Asie orientale " où la situation                  fait souvent penser aux rivalités européennes du                  siècle dernier. ".
         Tout au long de son livre, elle insistera sur les coups de                  force de la Chine quand d'autres préfèrent parler                  de " montée en puissance pacifique " en vantant                  l'économie triomphante et porteuse de liberté...                  Pendant que l'Europe ménage la Chine pour préserver                  ses intérêts économiques " Les nuages                  qui s'amoncellent à l'horizon sont déjà perceptibles                  " affirme-t-elle. " Cela n'empêche pas d'envoyer                  à Pékin les plus mauvais signaux, qu'il s'agisse                  de la multipolarité, des ventes d'armes ou de lâches                  avertissements adressés à Taïwan, plutôt                  qu'à la Chine. ".
         Cette                  obsession du réarmement de la Chine et des droits de l'Homme                  bafoués en toute impunité apparaît comme un                  fil conducteur sous la plume de l'auteur. Mais la question du                  respect des droits de l'Homme n'est pas fondamentale en Chine                  seulement. Cette question n'est visiblement pas encore réglée                  sur la base militaire de Guantanamo... Or, l'auteur n'évoque                  à aucun moment les milliers de prisonniers retenus arbitrairement                  dans les geôles américaines. Pas plus qu'au moment                  de faire les comptes, elle n'estime nécessaire de rappeler                  le rôle des Etats-Unis à Cuba, au Nicaragua, au Salvador                  ou au Honduras. On s'interroge naturellement sur son silence à                  ce sujet. L'explication vraisemblable est que Thérèse                  Delpech refuse de placer sur le même plan les Etats-Unis                  et la Chine au motif que l'Amérique se battrait partout                  dans le monde "pour la démocratie". A voir...
         Est-ce                  de "l'anti-américanisme primaire" que de dénoncer                  aussi les manquements graves d'un pays démocratique                  ? Ce manque d'objectivité semble servir une cause idéologique                  : le soutien sans réserve à la politique des Etats-Unis                  contre la barbarie (au nom de la démocratie et de la liberté)                  ou plus exactement contre les nouveaux " Barbares "                  qu'incarneraient à ses yeux tous ceux (majoritairement                  en Asie et au Moyen-Orient) qui ne partagent pas les valeurs occidentales.                  Cette vision réductrice du monde moderne et de ses troubles                  dessert un discours qui se réclame pourtant de l'éthique                  et de l'analyse objective.
L'Europe                  s'enferme dans le déni de réalité
         Le danger que représente, pour le reste du monde,                  ce qu'elle nomme " la poudrière iranienne " dans                  son prochain livre est un autre sujet récurrent avec la                  question du terrorisme qui reposerait, selon elle, sur "                  le  mécontentement de sociétés                  qui n'obtiennent rien de leurs gouvernements et accusent des volontés                  malfaisantes extérieures où l'Occident figure en                  première place et l'apparition de nouvelles puissances                  sur la scène mondiale. ". Elle n'hésite                  pas à parler de " volonté de revanche d'Etats                  sur l'Occident qui a, de leur point de vue, trop longtemps imposer                  sa loi au reste du monde(...) L'Inde, la Chine ou l'Iran feront                  écouter leur voix. Le problème est moins de contenir                  leurs ambitions que de leur donner une forme qui ne trouble pas                  la paix régionale et mondiale. Au XXème siècle,                  c'est exactement ce que l'on n'a pas sur faire avec la montée                  de l'Allemagne. On connaît les conséquences de cette                  faute " s'inquiète-t-elle. " La crainte                  de la désagrégation interne des sociétés                  européennes joue un rôle majeur dans le déni                  de la réalité terroriste.(...) Retrouver le sens                  de la réalité ne peut se faire sans un effort de                  mémoire. ".
         L'Europe,                  traumatisée par les guerres du passé, effrayée                  à l'idée que l'Histoire puisse se répéter                  ne veut pas -ou ne peut pas- envisager la possibilité du                  retour de la guerre dans notre société " blasée,                  recroquevillée sur ses privilèges. Le refus du risque                  domine tout autre sentiment ". " En Europe, peu nombreux                  sont ceux qui comprennent à quel point les événements                  de l'année 1905 se succèdent comme autant d'avertissements                  des grands drames à venir. ". Pour l'auteur, le                  même aveuglement se répète en 2005 : l'Europe                  s'enferme dans le déni de réalité. "                  L'inquiétude et l'angoisse ont rarement été                  aussi perceptibles(...) Un terme brutal peut être mis à                  la prospérité, l'hédonisme et la tranquillité                  de la péninsule européenne(...) La négation                  des catastrophes a dans le monde occidental une longue tradition.                  Il n'a pour ainsi dire rien vu venir : ni la révolution                  russe, ni la révolution chinoise, ni les deux guerres mondiales,                  ni l'extermination des Juifs, ni la révolution culturelles                  chinoise, ni la tragédie cambodgienne, ni la chute des                  cent étages du WTC. ".
         Si l'on en croit l'auteur, l'Europe a fait le choix de la sortie                  de l'histoire en laissant le soin aux Etats-Unis et à la                  Chine d'écrire l'histoire. Pourtant, il serait illusoire                  de penser que l'Europe est à l'abri. Elle est devenue "                  provinciale " : " Ce provincialisme résulte                  de la perte des empires coloniaux de l'Europe, qui a resserré                  sa vision de la planète, et de son incapacité à                  assurer sa sécurité pendant une cinquantaines d'années.                  ".
         Pire encore : l'Europe, naguère influente sur le reste                  du monde, a perdu la guerre des idées. L'Europe "                  aurait-elle perdu le sens de l'appel de la liberté et                  des valeurs de la démocratie qui ont pris naissance chez                  elle ?(...) Son problème, après avoir été                  le grand pourvoyeur d'idées dans le monde, c'est de devoir                  reconnaître que les idées ne naissent plus chez elle                  et que celles qui lui restent n'ont plus assez de force pour la                  convaincre. Comment pourrait-elle dans ces conditions influencer                  les autres ?(...) L'Europe se conduit comme si les problèmes                  n'existaient que lorsque les Etats-Unis les posent(...) L'exceptionnelle                  perte d'influence des Européens dans les affaires du monde                  en un siècle seulement en devient frappante. ".
Le                  terrorisme international sera toujours là dans vingt ans
         Dans ce contexte, il semble évident à l'auteur que                  " les chances d'avoir à lutter contre le terrorisme                  international en 2025 sont élevées(...) Les terroristes                  misent sur la durée qui opposent la patience à "                  notre inconstance, à notre soif d'en finir. ".                  L'auteur pense que les terroristes veulent " un bouleversement                  de l'organisation du monde " et " Le fait qu'ils                  agitent des utopies ne diminue pas leur influence, au contraire.(...)                  Elles (ces utopies) font appel à l'imagination et à                  la passion comme ne savent plus le faire les politiques au pouvoir.(...)                  La principale faiblesse du camp occidental est celle que manifeste                  la bataille des idées. Elle n'a jamais été                  lancée de notre côté, alors qu'elle ne cesse                  de progresser du côté des islamistes (qui) savent                  très habilement convertir en énergie politique les                  frustrations de la jeunesse. ". Si l'on en croit Delpech                  : " Nous ne croyons pas suffisamment à nos valeurs                  pour les enseigner et moins encore pour les défendre(...)                  Ni le vide intellectuel et spirituel du monde contemporain, ni                  la violence partout présente ne portent à l'optimisme                  en 2005. ".
         L'heure est grave. " La conviction que le terrorisme international                  sera toujours là dans vingt ans peut avoir des significations                  très différentes si l'un des événements                  suivants se produit : la prise du pouvoir par les islamistes au                  Pakistan (qui détient l'arme atomique), en Arabie                  saoudite (lutte pour le contrôle du pétrole)                  ou dans un pays du Maghreb (risque d'émigration                  massive vers l'Europe) ; l'utilisation par les terroristes                  d'armes de destruction massive ; une attaque majeure en Europe                  plus meurtrière encore que ne l'a été Madrid                  " (glissement vers l'extrémisme et le populisme).
         Pour l'auteur, dans deux décennies, en plus du terrorisme,                  se posera la question de la prolifération des armes de                  destruction massive, notamment en Iran dont l'Occident a sous-estimé                  les activités clandestines à des fins militaires,                  et en Corée du Nord. Si ces pays possèdent l'arme                  nucléaire : " Comment réagiront les pays                  arabes et Israël au Moyen-Orient ? Le Japon et Taïwan                  en Extrême-Orient ? La réunification de la péninsule                  coréenne consacrera-t-elle la nouvelle situation ainsi                  créée ? Comment la Chine utilisera cette carte dans                  ses relations avec Washington ? Les réponses à ces                  questions peuvent décider de la guerre ou de la paix. ".
Chine,                  Inde : de nouvelles puissances apparaissent
         Comme si cela ne suffisait pas, l'auteur décrit un troisième                  scenario possible : " Avec le terrorisme et la prolifération,                  le troisième pari pour la sécurité internationale                  en 2025 porte sur l'évolution de relations sino-américaines.                  Dans les vingt ans qui viennent, la Chine peut connaître                  une transition paisible vers la démocratie, un coup d'état                  militaire ou une guerre avec Taïwan(...) Vingt ans, c'est                  la période dont la Chine a besoin pour moderniser son armée(...)                  Elle se prépare depuis des années à remplacer                  l'URSS dans son rôle de superpuissance face aux Etats-Unis(...)                  On peut certes rêver à l'avènement progressif                  d'une Chine pluraliste(...) Mais ce n'est pas la lecture à                  laquelle invite l'année 2005 et le réalisme conduit                  plutôt à retenir le nationalisme comme seule force                  qui rassemble la population (...) Il ne faut pas négliger                  les relations des nombreux pays du Moyen Orient avec la Corée                  du Nord et l'alliance possible de l'Iran et de la Chine. ".
         " La Chine pense que Washington ne sacrifiera pas Los                  Angeles à Taïwan ; les Etats-Unis que Pékin                  ne sacrifiera pas vingt ou trente années de développement                  économique pour Taipei ; et Taïwan croit qu'elle peut                  mettre Pékin devant le fait accompli sans en payer les                  conséquences. Ce sont trois erreurs dangereuses. Si un                  conflit a lieu, la réaction des alliés des Etats-Unis,                  notamment en Europe, est un profond mystère. ".
         S'ajoute à cela que " Le XXIè siècle                  verra aussi l'apparition de nouvelles puissances, comme l'Inde,                  dont il faut mesurer comment elle va gérer ses relations                  futures avec la Chine(...) Un scenario à l'horizon 2025                  pourrait opposer une Chine affaiblie économiquement et                  socialement à une Inde beaucoup plus confiante en elle-même(...)                  Pékin peut être placé dans une situation impossible                  le jour où la population découvrira que l'Inde est                  en train de prendre le dessus. ".
Que                  fait l'Europe pour soutenir la démocratie dans le monde                  ?
         L'auteur s'inquiète également de la " régression                  " de la Russie sur laquelle elle porte un regard extrêment                  sévère : " Les capacités d'exportation                  d'instabilité de la Russie dans le reste du monde augmentent.                  Le pays est devenu imprévisible. (La Russie) a démontré                  son incompétence en 2004 et 2005 avec la tragédie                  de Beslan, les erreurs grossières d'appréciation                  en Ukraine et la surprise qui a suivi le renversement du président                  Akaïev au Kirghizistan." A propos de Poutine, elle                  parle de " volonté de restauration impériale                  ". " Pendant la crise en Ukraine, Vladimir Poutine a                  repris le langage soviétique. ". Au sujet de la Tchétchénie,                  elle observe avec impuissance : " une histoire effroyable                  dont les Européens ne veulent pas entendre parler : la                  destruction systématique de la Tchétchénie(...)                  C'est aussi la Tchétchénie qui justifie les mesures                  autoritaires et policières prises en Russie. ". Pour                  l'auteur " La Russie est entrée dans une phase d'auto                  destruction qui tient à la médiocre qualité                  des élites au pouvoir(...) dirigée par la partie                  la plus imprévisible et la plus corrompue des services                  spéciaux. ".
         Ukraine, Taïwan : même combat ? " Que fait                  l'Europe pour soutenir les forces démocratiques dans cette                  partie du monde ? " interroge encore Thérèse                  Delpech. " La fin de l'URSS est la possibilité                  pour la Russie de devenir une démocratie occidentale comme                  les autres, en abandonnant définitivement les rêves                  de restauration impériale condamnés à l'échec.                  ".
         Quant                  à Taïwan : " il serait normal" dit-elle                  "non seulement de cesser de répéter à                  toute occasion que Taïwan est une province chinoise sans                  tenir compte de l'histoire, mais aussi de soutenir cette Chine                  démocratique qui fait la démonstration que les valeurs                  (la liberté et la démocratie) qui sont les nôtres                  ont leur place dans cette partie du monde. ".
         Jusqu'à la chute du mur, au nom de la stabilité                  politique -" maître mot de la diplomatie de la guerre                  froide "- l'Occident a fait le choix de l'injustice contre                  le désordre : " Les pays occidentaux sont les seuls                  à croire que les droits de l'Homme ont progressé                  ailleurs que sur le papier. ". " On en est toujours                  là. Les manifestations populaires ne cessent de se multiplier                  dans les provinces chinoises pour protester contre la corruption                  dans un pays où beaucoup de paysans ont à nouveau                  faim(...) Il faudra sans doute une crise économique sérieuse                  et des troubles sociaux d'une toute autre ampleur pour que l'on                  commence à s'intéresser aux Chinois(...) L'économie                  chinoise est le seul domaine qui fasse l'objet d'un suivi sérieux                  en Europe. ". Malheureusement, à ce jour, "                  le besoin d'ordre continue à être perçu comme                  un objectif supérieur au besoin de justice et la survie                  des Etats est toujours plus urgente que celle des populations                  dont ils ont la charge. ".
Sommes-nous                  à la veille de " quelque chose " ?
         L'exercice auquel se prête ici l'auteur est difficile et                  sera sans aucun doute controversé. Chacun sait que les                  batailles d'experts sont les pires et qu'un habile orateur est                  capable de démontrer tout et son contraire... Souvenons-nous                  du philosophe Callisthène qui, après avoir fait                  l'éloge des Macédoniens, est prié par Alexandre                  après d'en faire une critique féroce (" Si                  on fait choix pour son discours d'un beau sujet, on peut sans                  effort bien en parler... " disait déjà                  Euripide). Callisthène s'applique alors à dénoncer                  avec une telle franchise les défauts des Macédoniens                  qu'il attire sur lui la foudre de ceux qui l'applaudissaient l'instant                  d'avant...
         Qu'on partage ou non la vision du monde à venir de Thérèse                  Delpech, c'est-à-dire " le retour à la barbarie                  au XXIè siècle " avec un nouvel "                  ensauvagement " des Européens, la question                  mérite d'être posée : " Sommes-nous                  à la veille de quelque chose ? " comme en 1905.                  Ce qui est certain c'est que la prudence devrait nous inciter                  à réfléchir aux mauvais présages que                  l'on voit poindre un peu partout en ce début de IIIème                  millénaire. Comme le rappelle avec à propos l'auteur                  : " Les esprits les plus éclairés et les                  tempéraments les mieux trempés ne devraient pas                  se permettre d'oublier les " frères humains qui                  après nous vivront " dont François Villon espérait                  la miséricorde dans sa magnifique " Ballade des                  pendus ".
 










