24.9.06

Externalités positives 1.0

Le Web 2.0 agit comme le révélateur d’une réalité préexistante. La plupart des modèles économiques aujourd’hui s’appuient déjà sur la prédation d’externalités positives (Yann Moulier-Boutang), et donc sur les richesses non prises en compte par le marché et les prix. Le capital s’appuie toujours sur le gratuit pour ouvrir de nouveaux territoires au payant, en cueillant les fruits d’une abondance naturelle ou sociale. Yann M-B évoque “l’économie pollen”, à partir de l’exemple de l’économiste anglais James Meade sur le business model de l’apiculteur: les abeilles butinent gratuitement les fleurs du champ voisin et grâce à cela peuvent produire du miel. Tenter de faire payer l’apiculteur pour l’usage des fleurs conduirait très sûrement à la faillite de celui-ci, à la destruction des ruches, à la disparition du miel des rayons…. et à celle des fleurs, que les abeilles ne polléniseraient plus. L’enseignement de la fable? Vouloir systématiquement “faire payer” peut conduire à la ruine collective.
Cette logique économique est omniprésente. Sans temps libre, pas d’entertainment ou de tourisme de masse. Sans désir de communication orale entre les gens, pas d’industrie des télécoms. Les modèles des médiateurs de l’information fonctionnent selon ce schéma depuis longtemps. Un journaliste professionnel, par exemple, collecte des faits (gratuits), des citations (gratuites) en utilisant le temps donné (gratuitement) par une foule de gens. Puis il en fait un produit commercialisable. Quand un journaliste sérieux titulaire d’un carte de presse avec sa bobine dessus interviewe quelqu’un, il est payé. Pas l’interviewé. Furieusement web 2.0, indeed. Est-ce si critiquable? Sauf à considèrer que les journaux qui rémunérent leurs sources pour obtenir leur histoire en exclu (au risque de les inciter à mentir ou biaiser) sont des modèles de vertu, on peut douter.

Selon cette analyse, l’important n’est donc pas en soi la valorisation marchande du travail coopératif gratuit mais la façon dont le capital traite sa “ressource” gratuite, jusqu’à la détruire (TF1 cherche seulement à cultiver des neurones, quitte à les épuiser et à susciter la misère symbolique) ou en la fertilisant. On a déjà l’habitude de ce mode de raisonnement en matière d’environnement, bien moins dans le domaine de l’esprit, où manque encore une écologie.

source: Caveat Emptor