26.8.15

Objets connectés : vers un monde ré-humanisé ?

Robots ménagers capables de proposer le bon programme, chauffage central apte à optimiser les coûts, automobile autonome… d’ici à 2020, 25 milliards d’objets connectés vont être mis en service. A mi-chemin entre objet et sujet, ces produits intelligents influeront sur notre rapport au monde. Une révolution est-elle en marche ?
La révolution numérique bouleverse les catégories de notre relation à autrui, dans les sphères amicales, amoureuses et professionnelles (1). Mais elle transforme aussi les cadres conceptuels de notre rapport aux choses et donc au monde. «L’Internet des objets» (en anglais Internet of Things ou IoT) serait la prochaine étape de cette révolution. Après la création d’Arpanet en 1969, après le lancement du Web en 1990, et après la généralisation d’Internet mobile en 2007, grâce aux smartphones, 2020 serait une année charnière : plus de 25 milliards d’objets connectés sont censés être mis en service d’ici-là. Allons-nous vers une «ré-humanisation» du monde grâce à l’injection à haute dose des intentions humaines dans des objets ? Ou bien nous dirigeons-nous vers un univers matériel saturé de données ?

UN MONDE ENFIN REPEUPLÉ

Ce qui est ici en jeu, c’est la possibilité même d’un rapport direct à la chose : entre l’objet connecté et le sujet, un réseau de significations s’intercale. L’évidence fondamentale de Roquentin face à une racine d’arbre dans la Nausée de Sartre sera-t-elle encore possible dans un univers d’artefacts dotés d’intelligence artificielle ?

Les données peuvent-elles faire oublier les choses ? Si l’Internet des objets tient ses promesses (2), plusieurs ruptures existentielles pourraient intervenir. Après avoir mis en relation des PC, des smartphones et des tablettes, autrement dit des ordinateurs, Internet mettra de plus en plus en réseau des objets antérieurs aux révolutions informatiques : robots ménagers capables de proposer le bon programme, chauffage central capable d’optimiser les coûts, automobile connectée et même autonome, etc. Certes, la révolution de l’IoT de masse n’a pas encore eu lieu. Pour le moment, aucun objet connecté ne s’est imposé dans la vie quotidienne à l’échelle mondiale : les montres connectées (Apple Watch et Samsung Gear Fit) ne se sont pas propagées comme les smartphones l’avaient fait en quelques mois en 2007.

Si jamais ces appareils cessent d’être des prototypes pour devenir des objets quotidiens, les conditions de la vie humaine pourraient être révolutionnées : le pèse-personne deviendrait un diététicien à domicile grâce au Smart Body Analyzer de Whithings ; la montre deviendrait un coach personnel grâce à Apple et Samsung ; le réfrigérateur deviendrait un intendant rédigeant des listes de courses et passant des commandes sur Internet grâce à Samsung ; l’automobile deviendrait un chauffeur robotisé grâce à la Google Car mais aussi bientôt aux berlines allemandes (3). Le monde des objets connectés fournirait majordomes et secrétaires particuliers. L’horizon présenté par la série Real Humans, où humains et serviteurs robotisés cohabitent, serait proche.

L’Internet des objets va-t-il changer notre existence, autrement dit notre rapport au monde ? Il semble pouvoir faire disparaître le face à face entre l’homme et les objets impersonnels. En injectant la mesure quantitative et l’accumulation statistique entre l’objet et le sujet, l’Internet des objets pourrait repeupler le monde interne d’attentions et d’intentions humaines personnalisées, notamment par le biais des algorithmes de recommandations. Ainsi, le réfrigérateur connecté pourra, s’il est connecté à mon pèse-personne et à mon vélo, suggérer l’achat de produits moins sucrés ou moins gras.

QUAND LES OBJETS DEVIENNENT (PRESQUE) DES SUJETS

Dans le monde des objets non connectés, la confrontation avec les objets peut être brutale. Les objets d’avant ne sont pas intelligents : je ne vis pas nécessairement «en bonne intelligence» avec eux. Ils ne comprennent pas mes besoins. C’est moi qui dois les plier à mes nécessités. Et dans cette action sur les objets, je rencontre leurs limites. Avec mes muscles, j’actionne le volant de ma voiture ; avec mes yeux, je vérifie le remplissage de mon réfrigérateur ; avec ma peau, je contrôle la température de mon radiateur.

Des objets, je n’ai rien à attendre, je n’ai rien à comprendre, je n’ai rien à apprendre. J’agis sur eux et ils réagissent. Le monde des objets d’avant est celui de l’action et de la réaction. Les objets connectés, eux, instaurent une forme de coopération. Ils sont «intelligents» car ils réalisent, sans action directe de ma part, des opérations qui correspondent à mes désirs. Ainsi, le thermostat intelligent Nest réglera la température en fonction non seulement de mes préférences et de la température ambiante comme un thermostat classique ; mais aussi en fonction de paramètres dont je n’ai pas nécessairement conscience et par des moyens qui ne requièrent pas mon action : mes habitudes de consommation antérieures, les prix de l’énergie, les pics de consommation dans ma région, etc. Plus généralement, le logement deviendra la «machine à habiter» de Le Corbusier, avisée et providentielle. Ce qui change, c’est que les objets connectés sont à mi-chemin entre sujets et objets. Ils sont capables d’agir sans commande directe grâce à une autonomie importante. C’est l’automatisation qui crée une forme d’interaction entre entités autonomes, comme le souligne Bernard Stiegler (4).

Les objets connectés ne sont pas encore capables d’agir. Mais ils font bien plus que réagir. L’Internet des objets propose un univers repeuplé car habité par les intentions humaines matérialisées dans des artefacts. Introduisant entre le sujet et l’objet un sujet intermédiaire relativement autonome, il pourrait tout simplement renverser la division entre personnes humaines et choses internes.

DES OBJECTS CONNECTÉS AU SUJET DÉCONNECTÉ DU MONDE

Une ré-humanisation du monde, voilà la promesse. Mais le solipsisme, autrement dit la conviction d’un être seul au monde, voilà son risque. Ce qui se joue, ici, c’est non seulement le rapport entre l’objet et le sujet, mais aussi le rapport du sujet à lui-même. Dans l’Internet des objets, le sujet se livre aux délices d’un monde intégralement contrôlé et assimilé à soi : mesurer ses consommations, quantifier ses performances, etc. voilà les promesses d’un monde enfin sur mesure. L’IoE (Internet of Everything ou «Internet de tout») pointe derrière l’IoT ou Internet of Things. L’IoT a un horizon totalisant. Epris de perfectionnement constant, le sujet devient le tyran omnipotent de son habitat, de son poste de travail, de son véhicule, de son propre corps et bientôt de son propre esprit. L’Internet des objets met à portée de main l’ambition cartésienne d’un sujet transparent à lui-même et le projet d’un humain maître de son milieu de vie. Obsédé de lui-même et de ses propres ramifications, le sujet n’oublie-t-il pas le monde pour ne plus rencontrer que lui-même ?

S’évaluer constamment soi-même et s’améliorer soi-même en temps réel, voilà l’ivresse de maîtrise que propose l’Internet des objets. Ses apôtres, par exemple Gary Wolf, endossent ainsi le rôle d’un Socrate geek enjoignant tout un chacun à se connaître soi-même grâce à l’IoT. Mais le sujet de l’IoT, le quantified self ou «moi quantifié» a-t-il vraiment une meilleure connaissance de lui-même ?

Les objets connectés collectent toutes les données sur les sujets qui les actionnent. Il n’est besoin que de voir le bracelet Pulse de Whithings. Ils portent au sujet des connaissances inédites sur lui-même. Mais le rapport entre le sujet et lui-même n’est pas plus direct que le rapport entre le sujet et l’objet : entre lui et lui-même, le sujet invite non seulement des capteurs, des robots et des machines, mais également des fournisseurs qui traitent ses données. La connaissance de soi-même se fait par le truchement d’un tiers collectif : l’entreprise qui héberge et traite les données tout en effectuant la vente et la maintenance des objets connectés. Les deux tentations symétriques de l’Internet des objets sont là : le sujet pourrait s’éloigner de la confrontation avec les choses et se méfier de l’expérience directe de soi-même par l’introspection, la rêverie ou l’examen de conscience. La ré-humanisation du monde pourrait bien se réaliser au prix d’une occultation du monde et d’un oubli de soi-même.

(1) L’Amitié, de Cyrille Bret, préface d’André Comte-Sponvile, Eyrolles, Paris, 2012.
(2) «Big data et objets connectés. Faire de la France un champion de la révolution numérique», Institut Montaigne, Paris, avril 2015 ; Internet des objets : 30 projets concrets, Electronic Business Group (EBG), Paris, 2015.
(3) «BMW, Audi et Daimler parient sur la voiture autonome», de Jean-Philippe Lacour et William Zinck, les Echos, du 4 août.
(4) La Société automatique, I. l’Avenir du travail (Fayard), mars 2015.

Source : Libération Cyrille BRET Enseignant de philosophie à Sciences-Po.

3.3.15

Comment l’esprit vient à la matière avec le numérique

La question se pose de l’enseignement du numérique à l’école, entre simple apprentissage de son utilisation ou initiation à la programmation. J’avais émis l’opinion à Antonio Casilli, qui m’avait pris pour un débile, qu’il faudrait enseigner les rudiments du langage machine pour comprendre l’interface entre hardware et software, comment l’esprit venait à la matière, dissiper enfin le mystère de nos appareils numériques en même temps que celui de la pensée.

En effet, rien mieux que le numérique ne rend visible le dualisme de la pensée et de l’étendue, de l’esprit et du corps qui ne sont pas « une seule et même chose » comme le prétend Spinoza, le programme n’est pas l’envers de la machine, leurs existences sont à la fois distinctes et liées (mais pas inséparablement). Les conséquences philosophiques du numérique me semblent complètement négligées tant on rechigne à réduire « Les lois de la pensée » à une algèbre booléenne. Le risque de réductionnisme existe si on n’y introduit pas le langage narratif au moins et le mode de fonctionnement des réseaux de neurones ou du machine learning qui n’ont rien à voir avec un programme linéaire, cela ne doit pas empêcher de savoir par quelles procédures le numérique se matérialise, une pensée s’incarne (comme dans l’écriture) et les instructions s’exécutent (« comment l’esprit meut le corps »).

La première chose à comprendre, c’est comment on passe de l'étendue à la pensée, du signal continu à l'information discontinue, des disques analogiques qui s’usent vite à la reproduction numérique qui ne connaît plus d’entropie, car c’est bien la fonction anti-entropique (ce qu’on appelle la néguentropie) qui est le coeur du numérique et de la cybernétique avec la correction d’erreur et la reproduction à l’identique qui ne connaît plus de limites.

Il ne s’agit plus, en effet, de l’enregistrement brut d’un signal physique sur une bande, mais de sa transformation en information. Toute communication a besoin d’un signal physique, un courant énergétique, une porteuse continue qui relie émetteur et récepteur, mais pour le transformer en information, il ne faut en garder que les événements signifiants, éliminer le bruit sur lequel se découpe une information discontinue. Pour en extraire le contenu, la numérisation décompose le signal continu en unités discrètes, en ignorant délibérément les variations entre deux bornes, deux limites arbitrairement découpées. C'est ce qu'on appelle le degré de définition ou d'échantillonnage d'une image ou d'un son. Pour un son, on passe d'un signal sinusoïdal à un signal carré (voir illustration) représentant une suite de 0 et de 1 au lieu du signal analogique originel. Curieusement, par cette soustraction de la qualité initiale (nettoyée de ses plus petits détails) on obtient une bien meilleure qualité de restitution car on s'affranchit ainsi du bruit, c'est-à-dire des fluctuations non significatives qui recouvrent normalement les petites nuances qu’on a perdues. Pour obtenir une reproduction à l'identique il faut donc commencer d'abord par renoncer à une reproduction intégrale. Mais, dès lors, c'est un véritable changement de nature du signal qui s'opère, ne reflétant plus du tout le son originel mais seulement une suite de codes binaires ne produisant aucun son directement.

Un code binaire s’enregistre facilement, sur un support magnétique la plupart du temps, où le 0 et le 1 correspondent par convention à des états physiques opposés mais cette information ne peut être lue que par un programme approprié (lecteur MP3 par exemple), elle n’a aucun sens en elle-même (aucun son). On n'est plus du tout dans le signal physique brut et, du coup, n’importe quelle suite de 0 et de 1 peut être interprétée comme un nombre, même si elle représente en fait des lettres, un son ou une image. C’est ce qui permet que ces enregistrements numériques puissent être désormais compressés, transmis et reproduits complètement à l'identique.

L’entropie universelle n’ayant pas disparue, cette reproduction à l’identique n’est possible que grâce à la correction d’erreurs et donc à la rétroaction, la validation du résultat, c’est-à-dire la comparaison entre la copie et le modèle. En effet, les communications numériques ne sont pas unilatérales, comme une radio par exemple, mais exigent une validation du récepteur pour chaque paquet de données (signal "Ack" pour acknowledgment : re-connaissance, accusé de réception). C’est ce qui en assure la qualité (numérique). La manière la plus simple de vérifier une reproduction exacte, c’est celle de l’ADN : d’avoir un double de l’information, ce qui permet de comparer point à point et de corriger ou de détruire en cas de mutations. Les méthodes adoptées en informatique sont plus légères, évitant de tout envoyer en double et se contentant d’une « checksum », c’est-à-dire en envoyant à la fin d’une suite de 0 et 1, leur somme. A la réception, on refait la somme et si ce n’est pas la même on ne valide pas, ce qui provoque le renvoi des données. Au niveau le plus basique, on se contente de la parité, c’est à dire indiquer par le 0 ou le 1 final si la somme d'un octet (8 chiffres binaires) est paire ou impaire, sinon il y a des systèmes plus élaborés comme les CRC (Code de Redondance Cyclique) dont le but est non seulement de repérer une erreur en prenant le moins de place mais même de pouvoir la réparer (quand il n'y en a qu'une). On voit que la part de l’entropie qui est celle de l’erreur de transmission est surmontée par le contrôle et la répétition qui sont une dépense supplémentaire d’énergie, donc une production supplémentaire d’entropie au niveau thermodynamique mais assez minime et qui permet de supprimer l’entropie de l’information en obtenant une reproduction parfaite à l’arrivée. Une autre façon de valider une transmission, c’est de lui faire respecter un protocole avec notamment un code de départ et de fin (comme pour les gènes). Si le protocole n’est pas respecté, là encore ce qui avait été reçu est ignoré (déchet de l’entropie) et une retransmission est demandée pour supprimer l’entropie du résultat.

Il n’y a donc rien de mystérieux dans la capacité du numérique à surmonter la loi universelle de l’entropie selon des méthodes qui sont assez semblables à celles du vivant. On a vu comment on passait du physique au numérique, du signal au code, comment on pouvait s’appuyer sur des données fiables mais il faut comprendre maintenant comment un programme les manipule, comment une machine effectue des calculs et quel est le support matériel de ces opérations logiques. La programmation actuelle consiste à utiliser des bibliothèques de fonctions. Les langages informatiques de « haut niveau », sont lisibles et modifiables facilement par des programmeurs mais ont besoin être « compilés » pour être traduits en code binaire compris par la machine, ayant une correspondance électronique. De mon temps, on était obligé de programmer quelque fois en « langage machine » les parties les plus critiques ayant besoin d’être optimisées (sur les ordinateurs très lents de l’époque). Ce langage machine a besoin lui aussi d’être compilé mais, s’il est très difficilement lisible (il faut le suivre pas à pas), il a l’avantage cependant de mieux refléter le fonctionnement matériel et donc de comprendre comment les instructions sont exécutées, comment l’esprit immatériel devient puissance matérielle.

Il faut d’abord parler de la mémoire, son organisation spatiale (étendue) et son contenu (pensée). La matérialité de la mémoire, du hardware, se traduit par ce qu’on appelle des adresses mémoires qui désignent un emplacement matériel, comme on peut désigner des cases d’un tableau ou d’une bataille navale par sa colonne et sa ligne. Un pointeur sur cette adresse (matérielle) va lire son contenu qui est un code numérisé dont le sens est déterminé par le programme, le software, comme on l’a vu, et n’est déjà plus matériel. Le programme lui-même est chargé dans la mémoire, constitué de codes interprétés séquentiellement par le microprocesseur. Ces instructions sont soit spatiales (matérielles), soit logiques. L’ordre MOV va ainsi prendre le contenu d’une adresse mémoire (une case) pour la recopier à une autre adresse (une autre case), ce qui veut dire affecter une valeur à une variable. Ecrire A=B consiste à un MOV du contenu trouvé à l’adresse de la variable B pour le recopier à l’adresse de la variable A. Le dualisme se trouve ici entre l’adresse et son contenu, le pointeur et ce qu’il pointe, l’écriture matérielle et le sens immatériel. L’autre instruction spatiale concerne le programme lui-même et lui permet de sauter des instructions soit par un GOTO, soit par un JMP (jump), utile avec un test conditionnel en général mais qui se réfère bien à la matérialité du programme et l’adresse mémoire des instructions.

Il est bien connu que la base de la programmation, c’est de mettre une condition à une action : IF (conditions) THEN … ELSE …, les boucles n’en étant qu’une variante répétitive. Toute la programmation consiste à déterminer des bifurcations de comportement en fonction d’une condition donnée (ou ensemble de conditions). L’ordinateur, ce qu’il sait faire, ce sont des calculs (ce que les machines à calcul savent faire depuis Pascal). Donc, lorsqu’on veut tester une condition, on va comparer une variable à une valeur, c’est-à-dire le contenu d’une adresse mémoire comparé au contenu indiqué dans le programme. L’opérateur CMP va donc faire un MOV matériel du contenu trouvé dans ce qu’on appelle un registre qui va y soustraire la valeur à comparer. Si le résultat est 0, c’est qu’il y a bien égalité, la condition est remplie - mais on peut tester aussi bien si la valeur est plus grande ou plus petite. Ensuite, en fonction du résultat, le programme va sauter à une ligne de programme ou une autre. Reste à y ajouter les opérateurs logiques AND, OR, NOT pour disposer de presque toutes les ressources de la programmation mais un programme n’est rien s’il n’agit pas sur l’extérieur, au moins un écran, une « sortie » comme on dit, l’entrée étant soit le clavier, soit le réseau, soit des capteurs qui branchent le numérique sur le monde. C’est ainsi que l’esprit agit sur la matière, d’avoir déjà une matérialisation électrique (tout comme dans le cerveau), ce qui permet à l’ordinateur de déclencher un relais de commande (un muscle), sans rien de mystérieux, la merveille étant juste qu’un courant infime puisse mettre en route une machine de grande puissance (tout comme une toute petite information peut faire basculer un empire).

Ce ne sont pas des choses compliquées ni qui prennent beaucoup de temps à apprendre mais qui mériteraient d’être apprises, mieux connues et méditées dans nos sociétés numériques, permettant de recadrer les réflexions sur l'esprit et illustrant le dualisme fondamental entre signifiant et signifié, le signal et l’information, le hardware et le software, l’adresse mémoire et son contenu, aussi éloigné du dualisme de Descartes que du monisme de Spinoza. On peut bien sûr protester qu’on n’est pas des machines, encore faudrait-il le prouver ! Du moins cela devrait être l’occasion de mieux déterminer ce qui nous en distingue radicalement, maintenant qu’on ne peut plus croire que notre esprit immatériel d'essence divine flotterait dans l’air mais qu’il y a bien une matérialisation de l’immatériel tout comme le langage matérialise la pensée, lui donne objectivité. La question doit être reprise à nouveaux frais d’un matérialisme spirituel, d’un dualisme assumé redonnant tout son poids au corps et aux émotions (la socialité), en même temps que les machines, bien qu'il leur manque un certain nombre de nos capacités, apprennent à penser selon les mêmes lois universelles.

Source: Jean Zin http://jeanzin.fr/2015/02/08/comment-l-esprit-vient-a-la-matiere-avec-le-numerique/#more-9642

19.2.15

C'est quoi l'islam ?















Le Coran
Le Coran est un recueil des enseignements de Mahomet dispensés au début du 7ème siècle et il lui a été directement dicté par Dieu lui-même. L'identité du narrateur alterne entre Dieu et le prophète. Le Coran ne brille ni par sa profondeur philosophique, ni par son humanisme. Je développe ici les divers points qui détachent ses propos haineux à l'encontre des incroyants, la violence physique qu'il prône à leur égard ainsi que le traitement humiliant réservé aux femmes. L'Ancien Testament trace, dans la plupart des domaines, la voie suivie par le Coran. La structure du texte n'est qu'une litanie de menaces, de répétitions et d'injonctions, vouée à marteler et soumettre le croyant à une morale guerrière et discriminatoire. Un Coran qui serait une référence visionnaire et poétique n'est que pure imagination.

Les références indiquées dans ce commentaire personnel du Coran sont extraites de l'édition publiée par GF-Flammarion en format poche (1970, numéro 237). La traduction de l'arabe a été effectuée par Kasimirski.

La guerre sainte
La guerre sainte si souvent invoquée et mise en pratique actuellement ne trouve pas son origine dans la folie de certains cerveaux mais dans le texte fondateur de la religion musulmane. Dès la sourate II, verset 186, l'appel à la guerre exhorte le croyant à l'action: "Combattez dans la voie de Dieu contre ceux qui vous feront la guerre.". Afin d'éviter une trop grande latitude d'interprétation du mot "combattez", le verset suivant se montre très explicite: "Tuez-les partout où vous les trouverez, et chassez-les d'où ils vous auront chassés. La tentation à l'idolâtrie est pire que le carnage à la guerre.". Le combat vise à l'imposition de la foi par la force (II,189): "Combattez-les jusqu'à ce que vous n'ayez point à craindre la tentation, et que tout culte soit celui du Dieu unique.". Le Coran ne se manifeste pas par un style particulièrement métaphorique mais montre beaucoup de clarté dans ses intentions (II, 190): "Quiconque agira violemment contre vous, agissez de même à son égard ". La justification du meurtre de l'infidèle revient plus loin (II, 214): "La tentation à l'idolâtrie est pire que le carnage ". Enfin, la sourate II se termine sur un cri patriotique (II, 286): "Donne nous la victoire sur les infidèles ".

Habilement, le rédacteur résout le cas des croyants morts au combat en leur délivrant un billet direct pour le paradis (III, 151): "Si vous mourrez ou si vous êtes tués en combattant dans le sentier de Dieu, l'indulgence et la miséricorde de Dieu vous attendent.", et, plus explicitement, (III,163): "Ne croyez pas que ceux qui ont succombé en combattant dans le sentier de Dieu soient morts: ils vivent près de Dieu, et reçoivent de lui leur nourriture ". Ces deux versets faisaient probablement partie du bagage religieux inculqué à ces gamins iraniens envoyés à la boucherie lors de la guerre Iran Irak dans les années 1980. La sourate suivante insiste encore sur ce sens du sacrifice à la gloire de ce Dieu bourreau (IV, 76): "Que ceux qui sacrifient la vie d'ici-bas à la vie future combattent dans la voie de Dieu; qu'ils succombent ou qu'ils soient vainqueurs, nous leur donnerons une récompense généreuse." . Mais avant de mourir, le combattant aura eu l'assurance des faveurs privilégiées dont il bénéficiera par rapport au croyant resté au foyer (IV, 97): "il [Dieu] a destiné aux combattants une récompense plus grande qu'à ceux qui restent dans leurs foyers.".

Comme dans tout système autoritaire où l'obéissance aveugle prime sur le jugement personnel, le croyant doit se soumettre aux ordres, le temps employé dans le Coran étant systématiquement l'impératif (IV, 86): "Combats dans le sentier de Dieu et n'impose des charges difficiles qu'à toi-même. Excite les croyants au combat.". La bestialité coranique répand sa haine sans interruption (IV, 93): "S'ils [les infidèles] ne se mettent pas à l'écart, s'ils ne vous offrent pas la paix et ne s'abstiennent pas de vous combattre, saisissez-les et mettez-les à mort partout où vous les trouverez. ". Le Coran n'est pas avare de termes pour désigner les légions de Dieu en parlant de milice (V, 61): "Ceux qui prennent pour protecteur Dieu, son apôtre, et les croyants sont comme la milice de Dieu; la victoire est à eux." . Aucune accalmie dans la violence des propos répandus, l'issue de la guerre est claire (VIII, 7): "Le Seigneur cependant a voulu prouver la vérité de ses paroles et exterminer jusqu'au dernier des infidèles.". Le mode d'exécution est précisé peu après (VIII, 12): "Abattez leurs têtes et frappez les extrémités de leurs doigts.", avec, plus loin, un autre moyen d'en finir (VIII, 52): "Quel spectacle, lorsque les anges ôtent la vie aux infidèles! ils frappent leurs visages et leurs reins, et leur crient: Allez goûter la peine du feu.". Toutefois, la justification mystique vient pour raffermir le croyant (VIII, 17): "Ce n'est pas vous qui les tuez, c'est Dieu."

Le discours typiquement militaire de l'exaltation de l'armée à propos de sa supériorité apparaît immanquablement dans cet ouvrage rompu au maniement des masses (VIII, 66): "O prophète! excite les croyants au combat. Vingt braves d'entre eux terrasseront deux cents infidèles. Cent en mettront mille en fuite, parce que les infidèles n'ont point de sagesse.", mais le verset suivant corrige les estimations à des performances plus modestes (VIII, 67): "Dieu veut alléger votre tâche, car il connaît votre faiblesse. Cent braves d'entre vous vaincront deux cents ennemis, et mille triompheront de deux mille par la permission de Dieu qui est avec les intrépides.". La stratégie d'attaque reste néanmoins assez simple (IX, 5): "Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les prisonniers, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. ". Une fois encore le croyant est rappelé à la déraison (IX,29): "Faites la guerre à ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour dernier, qui ne regardent point comme défendu ce que Dieu et son apôtre ont défendu, et à ceux d'entre les hommes qui ne professent pas la vraie religion.".

Le Coran n'échappe pas à des considérations plus économiques (IX,34): "Annonce un châtiment douloureux à ceux qui amassent l'or et l'argent, et ne le dépensent point dans le sentier de Dieu.", mais le croyant n'a pas à craindre le combat gratuit (XXIX, 5): "Quiconque combat pour la foi combat pour son propre avantage.". Au fur et à mesure de la lecture de l'ouvrage, les sourates passent mais la barbarie reste identique (XLVII, 4): "Quand vous rencontrerez les infidèles, tuez-les jusqu'à en faire un grand carnage, et serrez les entraves des captifs que vous aurez faits.". La fin du texte approchant, le général félicite ses soldats (LXI, 4): "Il [Dieu] aime ceux qui combattent en ordre dans son sentier, et qui sont fermes comme un édifice solide". Il rappelle le patriotisme religieux (LXI, 11): "Croyez en Dieu et en son apôtre, combattez dans le sentier de Dieu, faites le sacrifice de vos biens et de vos personnes; cela vous sera plus avantageux si vous le comprenez.", ou encore, finalement, (LXVI, 9): "O Prophète! fais la guerre aux infidèles et aux hypocrites, sois sévère à leur égard. La géhenne [le feu] sera leur demeure. Quel affreux séjour.".

Le Coran n'est donc qu'un mélange désordonné de haine, de violence, d'appel au meurtre. La structure du texte n'est qu'une inlassable répétition, un déchaînement autoritaire et coléreux où la guerre est définitivement sainte.

La femme objet
La condition féminine fait partie des plus grands scandales générés par le Coran. La hiérarchie entre femmes et hommes doit obéir à la règle machiste fort répandue (II, 228): "Les maris sont supérieurs à leurs femmes". La femme idéale est plus proche de l'esclave soumis que d'une personne apte à décider de sa vie (IV, 38): "Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises.". Ou encore, sur la servitude à laquelle la femme est assignée (VII, 188): "C'est lui qui vous a créés tous d'un seul homme, qui en a produit son épouse afin qu'il habitât avec elle, elle porta d'abord un fardeau léger et marchait sans peine.".

La femme est une possession du mâle dont il peut disposer comme bon lui semble, tant en ce qui concerne l'épouse (II, 223): "Les femmes sont votre champ. Cultivez-le de la manière que vous l'entendrez, ayant fait auparavant quelque acte de piété.", que les filles (II, 220): "Ne donnez point vos filles aux idolâtres tant qu'ils n'auront pas cru.". Et comme tout bien de consommation est jeté lorsqu'il n'a plus les faveurs de l'utilisateur, la femme peut être répudiée avec facilité et la procédure est précisée en (II, 229 à 233) et (LXV, 1 à 4). Le mépris dans lequel sont tenues les femmes éclate dans l'équivalence "1 homme = 2 femmes" lors du besoin de témoins dans le règlement d'un litige en (II, 282): "Appelez deux témoins choisis parmi vous; si vous ne trouvez pas deux hommes, appelez-en un seul et deux femmes parmi les personnes habiles à témoigner; afin que, si l'une oublie, l'autre puisse rappeler le fait.". Cette même inégalité de traitement prévaut aussi dans les droits de succession (IV, 12): "Dieu vous commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au fils mâle la portion de deux filles; s'il n'y a que des filles, et qu'elles soient plus de deux, elles auront les deux tiers de la succession; s'il n'y en a qu'une seule, elle recevra la moitié.", ainsi que (IV, 175). La primauté de l'homme provient de son apparition première (III, 193): "Les femmes sont issues des hommes.", et (IV, 1): "O hommes! craignez votre seigneur qui vous a créés tous d'un seul homme; de l'homme il forma sa compagne.". La polygamie est officiellement acceptée en (IV, 3): "Si vous craignez d'être injustes envers les orphelins, n'épousez que peu de femmes, deux, trois ou quatre parmi celles qui vous auront plu.", et Mahomet montre l'exemple (XXXIII, 6): "Le prophète aime les croyants plus qu'ils ne s'aiment eux-mêmes; ses femmes sont leurs mères." et (XXXIII, 27) ainsi que (XXXIII, 47): "O prophète! il t'est permis d'épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains, les filles de tes oncles et de tes tantes maternels et paternels qui ont pris la fuite avec toi, et toute femme fidèle qui livrera son cœur au Prophète, si le Prophète veut l'épouser."

Le machisme musulman ne se limite pas à établir une supériorité homme - femme mais prévoit aussi la réprimande violente et l'exprime avec la plus grande clarté (IV, 38): "Vous [les hommes] réprimanderez celles dont vous avez à craindre l'inobéissance; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez; mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand.". Le Coran montre ici son vrai visage de religion rétrograde et agressive, qui ne survit que par la terreur qu'il inspire aux unes et par l'attribution d'une supériorité factice à des hommes dépourvus de raison. De même en (IV, 19): "Si vos femmes commettent l'action infâme (l'adultère), appelez quatre témoins. Si leurs témoignages se réunissent contre elles, enfermez-les dans des maisons jusqu'à ce que la mort les visite ou que Dieu leur procure un moyen de salut.". La mort pour les femmes adultères, seul remède pour un islam brutal qui, par contre, n'envisage pas le cas de l'homme adultère. Autre exemple d'infidélité conjugale à la charge des épouses en (LXVI, 10), avec toujours la mort comme issue pour une religion de la domination masculine. Appeler à la mort de l'autre, de celui qui est différent, n'est pas la marque d'une réflexion particulièrement élaborée comme voudraient nous en persuader les théologiens. La psychose musulmane sur la nocivité de toute forme de coquetterie féminine trouve son origine en (XXIV, 31) et a, depuis, donné lieu à une généralisation délirante. Le point culminant en est le port du voile, prescrit dans le cas d'une conversation avec les femmes de Mahomet (XXXIII, 51): "Si vous avez quelque demande à faire à ses femmes, faites-la à travers un voile; c'est ainsi que vos cœurs et les leurs se conserveront en pureté.". De même en (XXXIII, 57): "O prophète! prescris à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, d'abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les propos des hommes.". Remarquer que le port du voile par les hommes aurait le même effet "protecteur", mais cette suggestion n'est probablement que blasphème. La femme soumise et devant fuir les regards masculins n'a pas à espérer d'émancipation au paradis (XXXVII, 52): "Auprès d'eux [les justes au paradis] seront des femmes au regard modeste, et leurs égales en âge.". Enfin, les femmes ne sont que marchandise dont la valeur dépend de leur soumission à l'islam (LX, 10). Le Coran réduit donc la femme au rang de spectatrice et domestique de l'homme. Elle peut être échangée ou rejetée comme pour tout produit de consommation courante, elle est à la charge du mari au même titre que le bétail. Le maître peut disposer d'elle comme il l'entend et user de la force à son encontre. L'adultère semble être une exclusivité féminine, le mâle n'étant pas redevable envers son sujet. Parler ici de misogynie est trop faible pour exprimer le mépris et la soumission dont les femmes sont l'objet. On ne peut que constater que le monde musulman actuel est resté fidèle à ces préceptes préhistoriques. L'Iran l'a rappelé en 1995 à la conférence de Pékin sur la condition féminine (même attitude inacceptable de la part du Vatican). Le port du voile, commandé par le Coran, est adopté à des degrés divers: foulard qui se limite à la couverture de la chevelure, tissu qui ne laisse que les yeux comme unique appel au secours, grilles infligées par les Talibans, ou encore couverture complète du visage. Officiellement un rempart contre les regards masculins déplacés, ce voile protège plus efficacement les sociétés musulmanes contre leur propre barbarie en soumettant au silence la moitié de leur population.

Les interdits du Coran
Afin de mieux asseoir leur autorité en la stigmatisant sur les comportements quotidiens, les religions brandissent toutes le fléau des interdits jouant sur l'équilibre malsain sanction - récompense.

Le Coran n'échappe pas à la règle et, dès la 2ème sourate, il est ordonné (II, 168): "Il vous est interdit de manger les animaux morts, le sang, la chair du porc et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu.". La période de jeûne du ramadan est définie un peu plus loin (II, 181): "La lune de Ramadan dans laquelle le Coran est descendu d'en haut pour servir de direction aux hommes, pour leur en donner une explication claire, et de distinction entre le bien et le mal, c'est le temps destiné à l'abstinence. Quiconque aura aperçu cette lune se disposera aussitôt à jeûner. Celui qui sera malade ou en voyage jeûnera dans la suite un nombre de jours égal.". Le pèlerinage à la Mecque est sévèrement régenté et n'a rien d'un chemin spirituel répondant aux seules angoisses métaphysiques du croyant. Les versets 192 et 193 de la sourate II en donnent le menu et on retiendra surtout que le pèlerin empêché est tenu d'y faire apporter une offrande, en échange de quoi il lui sera interdit de se raser pendant quelque temps, pratique que les "barbus" ont généralisé.

Le vin et le jeu n'ont pas la faveur de l'islam (II, 216): "Ils t'interrogeront sur le vin et le jeu. Dis leur: l'un et l'autre sont un mal. Les hommes y cherchent des avantages mais le mal est plus grave que l'avantage n'est grand.", et (V, 92). Curieusement, la consommation d'alcool ne semble plus l'action de Satan lorsqu'elle a lieu au paradis (LVI, 18): "[les enfants du paradis] Qui leur [les justes] présenteront des gobelets, des aiguières et des coupes remplies de vin exquis." et (LXXVI, 5):"Les justes boiront des coupes où Kafour sera mêlé au vin". La sourate V donne de plus amples précisions sur les aliments impropres à la consommation (V, 4): "Les animaux morts, le sang, la chair du porc, tout ce qui a été tué sous l'invocation d'un autre nom que celui de Dieu, les animaux suffoqués, assommés, tués par quelque chute ou d'un coup de corne; ceux qui ont été entamés par une bête féroce à moins que vous ne les ayez purifiés par une saignée; ce qui a été immolé aux autels des idoles; tout cela vous est défendu.", que l'on retrouve aussi en (VI, 146 et 147) et en (XVI, 117). Littérature et poésie n'ont guère les faveurs du Coran suite aux mises en garde (XXXI, 5) et (XXXVI, 69). On comprend mieux le recours à l'autodafé en terre musulmane.

Quand l'interdit devient discrimination et racisme, le Coran répond naturellement présent (III, 27): "Que les croyants ne prennent point pour alliés des infidèles plutôt que des croyants.", et (III, 114): "O croyants! ne formez de liaisons intimes qu'entre vous, les infidèles ne manqueraient pas de vous corrompre.". Et pour que le message passe sans ambiguïtés, les répétitions sont là pour marteler le cerveau soumis du croyant (IV, 143): "O croyants! ne prenez point d'amis parmi les infidèles plutôt que parmi les croyants.", (V, 56): "O croyants! ne prenez point pour amis les juifs et les chrétiens, ils sont amis les uns des autres.", ainsi que (LX, 1 et 9).

A défaut de convaincre par des arguments réfléchis, le Coran assène ses interdits.

La crainte de Dieu, garante de la véritable foi
Que justifie la croyance en un (des) dieu(x)? Le Coran apporte une réponse simple, fidèle à son habitude, en mettant en garde contre l'attitude contraire: ne pas croire entraîne les pires maux à l'infidèle.

Plus aisé que de justifier l'injustifiable, l'islam menace et ordonne. La croyance en Dieu repose sur la soumission entière de l'individu à son mythe et doit être entretenue par la crainte constante de l'autorité suprême. Le mot "islam" étant d'ailleurs l'expression parfaite de cette dépendance puisqu'il signifie soumission à la volonté de Dieu. L'éloge de la souffrance et de la privation se substituent alors à l'aspiration au bonheur de tout individu. Endurer la souffrance devient une des qualités premières du croyant (II, 150): "Nous vous éprouverons par la peur et la faim, par les pertes dans vos biens et dans vos hommes, par les dégâts dans vos récoltes. Annonce des nouvelles heureuses à ceux qui souffriront patiemment.", sacrifice inutile et humiliant aussi prôné par la Bible. De même, en parlant des humbles (XXII, 36): "Dont le cœur est saisi de frayeur quand ils entendent prononcer le nom de Dieu, qui supportent avec patience les maux qui les visitent, qui observent la prière et font l'aumône des biens que nous leur avons départis.". Ne pouvant apporter le bonheur sur Terre, les religions en exploitent le malheur et le désespoir.

L'acte de croire est un rapport de maître à esclave, celui-ci doit être imprégné d'une crainte absolue vis à vis de son dieu. La crainte de Dieu est incessante dans le Coran où le croyant est constamment rappelé à cette peur. Un exemple parmi les centaines rencontrés (II, 190): "Craignez le Seigneur et apprenez qu'il est avec ceux qui craignent.". L'endoctrinement par la répétition abrutissante d'expressions du style "Craignez Dieu" s'affiche comme le seul moyen de persuasion du peuple et ne fait que révéler la pauvreté des arguments philosophiques. A titre d'exemples (III, 70):"Celui qui rempli ses engagements et craint Dieu saura que Dieu aime ceux qui le craignent.", et (III, 97): "O croyants! craignez Dieu comme il mérite d'être craint, et ne mourrez pas sans vous être soumis à sa volonté.". De même, tout est soumis à Dieu (XIII, 17): "Quel est le souverain des cieux et de la terre? Réponds: C'est Dieu.", l'imposition directe de la réponse ne laissant, là encore, aucune réflexion ou alternative possible au croyant. Dieu est arrogant et répressif (XVI, 52): "Tous craignent Dieu de peur qu'il ne fonde d'en haut sur leur têtes, et ils exécutent ses ordres.", et ne connaît pas l'acte gratuit, le don (XVI, 81): "Dieu vous fait sortir des entrailles de vos mères, privés de toute connaissance; puis il vous donne l'ouïe, la vue et l'intelligence, afin que vous soyez reconnaissants.", et (XVI, 84): "c'est ainsi qu'il vous comble de ses bienfaits, afin que vous vous résigniez à sa volonté.". La sourate XX débute en rassurant le lecteur (XX, 1): "Tâ Hâ Nous ne t'avons pas envoyé le Coran pour te rendre malheureux,", mais le second verset met fin à l'illusion, très éphémère, d'un islam bienfaiteur: "Mais pour servir d'admonition à celui qui craint Dieu.". La menace et le despotisme ne laissent aucun doute lorsque Dieu annonce le rôle officiel de Mahomet (XXV, 58): "Nous ne t'avons envoyé que pour annoncer et pour menacer.".

Le Coran s'affiche donc, non seulement, comme un instrument d'oppression envers les non-musulmans, mais aussi, paradoxalement, comme une machine répressive à l'encontre de ses propres adeptes. Un gourou peut, en effet, captiver les fidèles en les éblouissant de promesses sucrées, mais aussi en les abreuvant de menaces apocalyptiques s'ils adoptent une autre voie. Le Coran, comme la Bible, choisit la voie guerrière, seul refuge de thèses absurdes.

L'existence des infidèles, un problème théologique insoluble
Ce concept appelé "Dieu" étant révéré comme le maître d'un univers qu'il a lui-même agencé, l'explication du mal reste un problème théologique insurmontable pour toutes les religions. Malgré quelques replâtrages maladroits faisant appel au diable ou au libre arbitre, l'incohérence de ce Dieu tout puissant reste éclatante.

Le Coran avoue cette faille divine dès la 2ème sourate, l'une des plus riches. Les infidèles s'avèrent apparemment hors d'atteinte des volontés divines (II, 5): "Pour les infidèles il leur est égal que tu les avertisses ou non: ils ne croiront pas.", mais le rédacteur se rattrape immédiatement en affirmant que cette incrédulité est le propre désir de Dieu (II, 6): "Dieu a apposé un sceau sur leurs cœurs et sur leurs oreilles; leurs yeux sont couverts d'un bandeau, et le châtiment cruel les attend.". Pourtant, l'action de Dieu semble sans limite (L, 37): "Nous avons créé les cieux et la terre, et tout l'espace qui les sépare, en six jours. La fatigue n'a pas eu de prise sur nous.". Cette rhétorique s'apparente plus à un rattrapage désespéré d'une situation absurde qu'à une vision cohérente du monde. Dieu ayant "apposé un sceau sur leurs cœurs", il est légitime de s'attendre à le voir les libérer de cette cécité mais la bonté divine s'exprime par une autre voie (II, 9): "Une infirmité siège dans leurs cœurs et Dieu ne fera que l'accroître; un châtiment douloureux leur est réservé, parce qu'ils ont traité les prophètes de menteurs.", et (II, 14): "Dieu se rira d'eux; ils les fera persister longtemps dans leur rébellion, errant incertains ça et là.". Laisser pérenniser une situation établie n'est pas la preuve d'une puissance particulière. Dieu, malgré son universalité, n'est pas non plus le seul acteur dans cette farce mais doit affronter (ou éviter) Satan. Chacun prêchant pour sa paroisse, ce Dieu factice tente vainement de réunir ses brebis (III, 169):"Souvent Satan intimide ses adhérents; ne le craignez point, mais craignez moi, si vous êtes fidèles.". Pour un Dieu origine de toute chose, Satan ne peut être que sa créature la plus achevée. A défaut de rendre le monde bon, le Coran s'essaie pitoyablement à justifier l'état de la situation présente, une attitude typiquement a posteriori (V, 17): "Nous avons suscité au milieu d'eux l'inimitié et la haine qui doivent durer jusqu'au jour de la résurrection.", et l'injonction de (V, 44) ne convainc pas plus: "Ignores-tu que Dieu est le souverain des cieux et de la terre? il punit qui il veut et pardonne qui il veut; il est tout puissant."

L'argument précédent se soldant par un trop faible pouvoir de persuasion, l'endoctrinement par le martèlement vient à l'aide (VI, 150): "Dis: A Dieu seul appartient l'argument démonstratif. S'il avait voulu, il vous aurait dirigé tous dans le chemin droit.". L'absurdité est à son comble lorsqu'on apprend que Dieu a aussi souhaité l'incrédulité face aux miracles (VII, 98): "Nous allons te raconter quelques histoires de ces villes. Des prophètes s'y élevèrent et firent voir des miracles; mais ces peuples ne croyaient point à ce qu'ils avaient précédemment taxé de mensonge. C'est ainsi que Dieu imprime le sceau sur les cœurs des incrédules.". Est-ce là une théologie solide ou n'est ce pas plutôt une récupération de tout et son contraire avec une maladresse extrême à des fins d'embrigadement? De même, plus loin (VII, 176): "Celui que Dieu dirige est bien dirigé, celui que Dieu égare est perdu.". Plutôt que de soumettre l'incroyant à des faits miraculeux qui confondraient son scepticisme, le Coran lui assène des menaces prédicatrices jamais vérifiées (XIII, 30): "Quand le Coran ferait mouvoir les montagnes, quand il partagerait la terre en deux et ferait parler les morts, il ne croiraient pas; mais Dieu commande à tout. Les croyants ignorent-ils que Dieu pourrait diriger dans la droite voie tous les hommes, s'il le voulait?". La question entraîne donc que Dieu ne veut pas d'une humanité entière adhérant à l'islam. Echappatoire facile pour cacher que l'humanité ne souhaite pas cet islam rétrograde et intolérant. De la même manière (XVI, 96): "Si Dieu avait voulu, il aurait fait de vous un seul peuple, mais il égare celui qu'il veut et dirige celui qu'il veut; un jour on vous demandera compte de vos actions.". La compétition Dieu-Satan, signe de l'impuissance divine, reprend en (XIX, 86): "Ne vois-tu pas que nous avons envoyé les démons pour exciter les infidèles au mal?". Le croyant se perd dans ce dédale incompréhensible où les incroyants sont autant qu'eux les créatures de Dieu. La puissance du despote ne peut se manifester que par la destruction (XXXVI, 33): "Que la terre morte de sécheresse leur serve de signe de notre puissance. Nous lui rendons la vie, et nous en faisons sortir des grains dont ils se nourrissent.", ce qui renvoie au thème de l'eau.

L'incohérence de la théologie musulmane est ainsi flagrante par les contradictions dans les desseins divins opposés à Dieu lui-même. Un tel endoctrinement ne peut s'abattre que sur des cerveaux malléables en quête d'une autorité qui les rassure et leur confère une suprématie compensatrice. Si le Coran ne brille pas par la pédagogie de ses enseignements, il a le mérite, et ne se prive pas de s'en vanter, de la clarté de ses intentions. Une doctrine limpidement exposée avec des assertions aussi infantiles n'en est que plus aisément contestable. L'existence du mal (et des athées) est le principal, et suffisant, écueil aux religions et à la notion salvatrice d'un Dieu bon et ordonnateur de l'univers. Se réfugier derrière le "mystère de Dieu" qui nous est inaccessible par définition, "Satan" ou le "libre arbitre", n'est qu'une abdication des religions devant leur incapacité à fournir une vision cohérente du monde puisque telle est leur prétention. Conscient de cet obstacle, le Coran adopte une stratégie d'attaque où le croyant doit être maintenu dans le giron de la religion par la crainte, la menace et l'endoctrinement via la litanie des injonctions. Sans aucun appel à une réflexion plus large, la prière conformiste et routinière reste le meilleur moyen d'afficher l'affiliation de chacun à l'islam.

Le sort réservé aux infidèles
Principale cible du volumineux ouvrage, l'infidèle recèle tous les vices habituellement attribués à l'ennemi: il est faux, sournois, moqueur, méprisant, agressif et guerrier, et naturellement adhère à d'autres mythes ou à aucun, c'est à dire qu'il n'admet pas l'autorité d'Allah. Accablé de tant de maux, la mort par voie divine ou de la main des musulmans apparaît comme une issue plus sûre que la conversion qui peut n'être qu'une simulation tant l'incroyant est habile à la trahison. Le terme d'infidèle désigne tous les non musulmans, qu'ils soient juifs, chrétiens, polythéistes ou non croyants. Et la méfiance est requise envers les convertis.

La sourate II est un flot de haine qui se déverse sur les infidèles, annonçant leur noyade et submergeant leurs cités. L'incroyance est un handicap (II, 9): "Une infirmité siège dans leurs cœurs, et Dieu ne fera que l'accroître; un châtiment douloureux leur est réservé, parce qu'ils ont traité les prophètes de menteurs.", et il se soigne par le feu (II, 22): "redoutez le feu préparé pour les infidèles, le feu dont les hommes et les pierres seront l'aliment.", et (II, 37): "Mais ceux qui ne croiront pas, qui traiteront nos signes de mensonge, seront livrés au feu éternel.". Voir aussi les versets 83 et 84. La conversion de l'infidèle n'est pas une priorité, son salut est inutile aux yeux de Dieu (II, 92): "Celui qui sera l'ennemi du Seigneur, de ses anges, de ses envoyés, de Gabriel et de Michel, aura Dieu pour ennemi, car Dieu hait les infidèles.", et toute intention salvatrice de Dieu n'est que stratagème morbide (II, 120): "Alors Abraham dit à Dieu: Seigneur, accorde à cette contrée la sécurité et la nourriture de tes fruits à ceux qui croiront en Dieu et au jour dernier. Je l'accorderai aux infidèles aussi, mais ils n'en jouiront qu'un espace de temps borné ensuite je les refoulerai vers le châtiment du feu. Quelle affreuse route que la leur!". On notera que ce Dieu présente la même fausseté que celle affublée aux incroyants desquels il est supposé se distinguer. Le Coran n'en est pas a une contradiction près. Les fidèles sont appelés à joindre leur malédiction des incroyants à celle de leur Dieu (II, 154): "Que ceux qui dérobent à la connaissance des autres les miracles et la vraie direction après que nous les avons fait connaître dans le livre (le Pentateuque) soient maudits de Dieu et de tous ceux qui savent maudire.", et (II, 156): "Ceux qui mourront infidèles seront frappés de la malédiction de Dieu, des anges et de tous les hommes.". Et pour que les choses soient claires (II, 255): "Les infidèles sont les méchants". La haine divine est rappelée un peu plus loin (II, 277): "Dieu hait tout homme infidèle et pervers.". Si Dieu déverse sa haine, la sentence peut et doit être appliquée par les fidèles eux-mêmes (V, 37): "vous les mettrez à mort ou vous leur ferez subir le supplice de la croix; vous leur couperez les mains et les pieds alternés; ils seront chassés de leur pays.". Autre supplice en (X, 4): "Ceux qui ne croient pas auront pour breuvage l'eau bouillante et un châtiment douloureux pour prix de leur incrédulité."

La cécité du traducteur se heurte au bon sens issu de la simple lecture du Coran en (X, 28): "Ceux qui feront le mal, leur rétribution sera pareille mal; l'ignominie les couvrira (et il n'y aura point de protecteur contre Dieu), et leurs visages seront noirs comme un lambeau de nuit épaisse. Ils habiteront le feu et y demeureront éternellement.". Le traducteur, Kasimirski, y voit le signe de la bonté coranique dans une note de bas de page (page 170): "Ce n'est pas le seul passage du Coran où pour mettre en relief la bonté de Dieu, les récompenses des justes seront plus généreuses que ne seront sévères les châtiments des méchants.". Devant un tel détournement du sens du texte, les extrémistes voient leurs agissements justifiés par cette caution littéraire. Cette même bonté divine dispose de moyens d'expressions variés tels que l'engloutissement, la tempête de sable et le vent, comme il est rappelé en (XVII, 70 et 71). Mais les supplices plus classiques restent d'usage (XVIII, 28): "Quant à nous, nous avons préparé pour les impies le feu, qui les entourera de ses parois. Quand ils imploreront du secours, on leur donnera de l'eau ardente comme le métal fondu, qui leur brûlera la figure.", et (XXII, 20): "les vêtements des infidèles seront taillés de feu, et l'eau bouillante sera versée sur leur têtes.", ou encore (XXIII, 105):"Le feu consumera leurs visages, et ils tordront leurs lèvres.", ainsi que (XLIV, 47 et 48). L'incroyance est une maladie comme il est précisé en (XVIII, 79): "Quant au jeune homme, ses parents étaient croyants, et nous avons craint qu'il ne les infectât de sa perversité et de son incrédulité.". Cette infection ne peut être guérie que par la menace de malheurs plus grands encore (XXXIV, 9): "Si nous voulions, nous pourrions les faire engloutir par la terre entrouverte, ou faire tomber sur leur têtes un fragment du ciel. Dans ceci il y a un signe pour tout serviteur capable de se convertir.", et de même en (XXXIX, 18): "Au-dessus de leur têtes brûlera une masse de feu, et une masse de feu sous leur pieds. Voici de quoi Dieu intimide ses serviteurs: Croyez-moi donc, ô mes serviteurs!". Une tare accusée en outre d'agressivité (XLIII, 79): "Si les infidèles tendent des pièges, nous leur en tendront aussi."

L'absurdité de la doctrine musulmane est manifeste lorsque le constat d'échec est dressé par le Coran lui-même en (XXXVI, 6 à 9): "Peu leur importe si tu les avertis ou non; ils ne croiront pas.". Le Coran gratifie le lecteur du déversement de sa haine viscérale pour l'incroyant en (LVI, 40 à 61) s'enfonçant encore un peu plus dans la boue de sa morale discriminatrice. Une idéologie qui se résume dans une compilation de menaces, interdictions, discriminations, accompagnée de la surveillance inquisitoriale de ses propres adeptes, signe là sa propre défaite, son inaptitude à proposer une philosophie cohérente et porteuse d'espoir. Le bétail difficile à garder dans les cloîtres de la foi voit la moindre incartade immanquablement punie (LIX, 4): "Le Seigneur punit sévèrement ceux qui s'écartent de sa religion.", pour maintenir le croyant dans le droit chemin de la prière (LXXI, 29): "Seigneur, pardonne-moi, ainsi qu'à mes enfants, aux fidèles qui entreront dans ma maison, aux hommes, aux femmes qui croient, et extermine les méchants."

La violence et l'intimidation ne sont pas les seuls moyens de soumettre ou punir l'incroyant, le Coran adopte aussi celui de la mise en scène de l'infidèle face à sa propre mort en pronostiquant son repentir. Stratégie facile qui ne repose, comme toujours, que sur un fictif jugement dernier, partie de l'imaginaire populaire. Ainsi (II, 160): "Oh! que les impies reconnaîtront au moment du châtiment qu'il n'y a d'autre puissance que celle de Dieu.", et (II, 162): "C'est ainsi que Dieu les fera voir leurs œuvres. Ils pousseront des soupirs de regrets, mais ils ne sortiront point du feu.". De façon plus directe, et pour éviter de laborieuses réflexions, (XV, 2): "Le jour viendra où les infidèles préfèreraient avoir été musulmans.". Le Coran choisit aussi, contrairement à son habitude, de donner la parole à l'accusé, (XXIII, 100): "L'impie, au moment de la mort, s'écrie: Seigneur, fais-moi retourner sur la terre.", ainsi que (XXV, 29 et 30): "Alors le méchant mordra le revers de sa main et dira: Plût à Dieu que j'eusse suivi le sentier avec l'Apôtre. Malheur à moi! Plût à Dieu que je n'eusse pas pris un tel pour patron!". Pour une fiction plus convaincante, le Coran glisse vers le drame qui rive le spectateur sur son siège (XXXV, 34): "Ils [les incroyants] crieront du fond de l'enfer: Seigneur! fais-nous sortir d'ici; nous pratiqueront la vertu autrement que nous ne l'avions fait auparavant.", mais la sanction divine tombe, impitoyable, (XXXV, 35): "Subissez donc votre peine; il n'y a point de protecteur pour les méchants.". Et les repentances de dernière minute ne seront d'aucune utilité à l'incroyant (XL, 84 et 85): "Quand ils [les infidèles] virent nos vengeances, ils s'écrièrent: Voici, nous avons cru en Dieu, et nous ne croyons plus aux divinités que nous lui associions. Mais la croyance ne leur servit plus à rien au moment où ils voyaient s'accomplir notre vengeance. C'est la coutume de Dieu qui s'était déjà autrefois exercée contre ses serviteurs, et les infidèles périrent."

La concurrence des autres mythes
Toute entreprise le sait, lorsque le marché est encombré, il faut jouer des coudes pour éliminer la concurrence. L'islam, à son entrée en scène au 7ème siècle, a dû conquérir sa part du marché en l'arrachant aux mythologies déjà présentes, christianisme, judaïsme et autres fantaisies polythéistes.

Curieusement pour une religion, l'islam cherche à affirmer sa supériorité en arguant de l'absence de preuves pour les mythes concurrents. Ce comportement de type rationaliste ne manquera pas de faire sourire. Ainsi en (II, 105): "Ils disent: Les juifs ou les chrétiens seuls entreront dans le paradis. C'est une de leurs assertions mensonges. Dis-leur: Où sont vos preuves? apportez-les si vous êtes sincères.". Le Coran brandit la menace que ces dieux ne seront d'aucun secours lors de la mort de l'infidèle et, là encore, offre encore des arguments bien faibles sur le plan théologique (VII, 35): "Qui est plus impie que celui qui forge des mensonges sur le compte de Dieu ou qui traite ses enseignements d'imposture? A ces hommes une part des biens de ce monde, conformément au livre éternel, sera accordée jusqu'au moment où nos envoyés, en leur ôtant la vie, leur demanderont: Où sont les idoles que vous invoquiez à l'exclusion de Dieu? Ils répondront: Elles ont disparues; et ils témoigneront ainsi eux-mêmes qu'ils étaient infidèles.". L'infidèle, devant sa fin assurée, ne pourra que constater l'inexistence de ses idoles (VII, 51): "Ne trouverons-nous pas quelque intercesseur qui intercède pour nous, afin que nous puissions retourner sur la terre et que nous agissions autrement que nous ne l'avons fait? Mais alors ils seront déjà perdus sans retour, et les divinités qu'ils avaient inventées auront disparu.". Le manque d'effets divins concrets est aussi utilisé en (X, 19) pour, par défaut, justifier l'islam: "Ils adorent à l'exclusion de Dieu des divinités qui ne les servent ni ne les nuisent."

Le Coran, en contrepoint, répond à un objectif extrêmement précis (XVIII, 3 et 4), les musulmans possédant ces preuves magiques du droit chemin qui guide leur croyance (XL, 68). On en reçoit une preuve admirable en (XXIII, 92): "Dieu n'a point de fils, et il n'y a point d'autre Dieu à côté de lui; autrement, chaque dieu s'emparerait de sa création, et les uns seraient plus élevés que les autres.", le Coran atteint ici les sommets. L'absence de preuves chez la concurrence est clamée de nouveau (XXV, 3 et 4): "Les idolâtres ont pris d'autres dieux que lui, dieux qui n'ont rien créés et qui ont été créés eux-mêmes, qui ne peuvent faire ni aucun bien ni aucun mal, qui ne disposent ni de la vie, ni de la mort, ni de la résurrection. ". Il est révélateur que le fait qu'une divinité soit incapable de faire le mal soit le signe de son inexistence. Voir aussi (XXXIX, 39). Le même argument est repris en (XXVI, 73 et 74) , en parlant de ces divinités: "Vous servent-elles à quelque chose? peuvent-elles vous faire quelque mal? Non, dirent-ils; mais c'est ainsi que nous avons vu faire à nos pères.". On remarque que le traditionalisme propre à toute religion n'est pas chose nouvelle, la croyance est héréditaire; un conformisme qui se retrouve en (XLIII, 21 et 22). Dieu lui-même se prête au jeu en appelant toutes ces divinités à la barre d'accusation (XXVIII, 62): "Au jour où Dieu leur criera: Où sont mes compagnons, ces dieux imaginaires que vous adoriez?". En (XXXI, 10), après l'exposé du dur labeur initial, le palmarès des autres divinités est requis pour la poursuite du procès "C'est la création de Dieu; maintenant faites-moi voir ce qu'ont fait d'autres que Dieu.". Mais le verdict final scelle la vérité (XXXI, 29): "C'est parce que Dieu est la vérité même, et que les divinités que vous invoquez en dehors de lui ne sont que vanité.". Les appels répétés aux preuves et aux manifestations tangibles des divinités des équipes adverses font du Coran une litanie de supplications, témoins de son combat peu fructueux de conversion des foules. Ainsi (XXXV, 38): "Vous avez considéré ces divinités que vous invoquez à l'exclusion de Dieu; faites-moi voir quelle portion de la terre elles ont créée; ont-ils leur part dans la création des cieux? ", et (XLVI, 3 et 4). Ou encore (XXXVII, 25):"Pourquoi ne vous prêtez-vous pas secours (vous et vos dieux)? ". Question universelle qui met toutes les religions en défaut du fait de l'existence du mal contre lequel les dieux ne peuvent rien. Mais peut-être n'est-ce pas là leur objectif... Le Coran se sent habilité à exiger des preuves mais une attitude similaire des infidèles à l'égard de l'islam ne recueille que le mépris (XLIV, 35): "Faites donc revenir nos pères, si ce que vous dites est vrai, disent les incrédules.". Le principal litige entre islam et christianisme tient dans la nature de l'hypothétique Jésus. Celui-ci est de nature divine pour les chrétiens alors qu'il n'est qu'un prophète parmi d'autres pour les musulmans. Dieu ne peut pas avoir d'enfants (II, 110): "Ils disent: Dieu a des enfants. Loin de lui ce blasphème!". Et JC ne peut en aucun cas être l'objet d'un culte (II, 160): "Il est des hommes qui placent à côté de Dieu des compagnons qu'ils aiment à l'égal de Dieu; mais ceux qui croient aiment Dieu par dessus tout.". Cette non-unicité de Dieu comme objet de prières concerne aussi les polythéistes qui sont rangés parmi les idolâtres (III, 144). Mais les chrétiens ne sont pas mieux considérés (V, 19): "Ceux qui disent que Dieu c'est le Messie, fils de Marie, sont des infidèles.", et (V, 76): "Infidèle est celui qui dit: Dieu c'est le Messie, fils de Marie."

L'intimidation est un autre moyen de pression pour amener à l'islam les brebis égarées dans les méandres de la Bible (II, 114). Hors de l'islam, point de salut (III, 79). Mahomet se lance à son tour dans une déclaration qui se veut solennelle et affermit l'action de son Dieu en le faisant meurtrier (X, 104): "Dis leur: O hommes! si vous êtes dans le doute relativement à ma religion je vous déclare que je n'adore point ceux que vous adorez à côté de Dieu; j'adore ce Dieu qui vous fera mourir. Il m'a été ordonné d'être croyant.". Même fin funeste en (XIV, 35): "Ils donnent des égaux à Dieu pour égarer les hommes de la voix du Seigneur. Dis-leur: Jouissez, jouissez, votre réceptacle sera le feu."

Les références à l'Ancien Testament
Pour l'islam, Mahomet s'inscrit dans la lignée des prophètes de l'Ancien Testament et de celui du Nouveau Testament, JC. Les références à l'Ancien Testament sont innombrables et le Coran y accroche les racines de sa morale guerrière: le châtiment des infidèles et les visions apocalyptiques. Moïse, Abraham, Noé, ... sont les maîtres exemplaires d'un Coran qui cherche à s'ancrer à la foi judéo-chrétienne et à la détourner vers son propre commerce. Les mythes nouveaux n'ont toujours été qu'un réarrangement de mythes plus anciens. Le Coran, dans ses références à l'Ancien Testament, refait parfois l'histoire, ce qui ne saurait surprendre pour un texte moins empreint de rigueur que du souci d'inspirer la crainte. La timidité avec laquelle le traducteur se dispense de relever les contradictions avec l'Ancien Testament (voir page 45) est elle aussi évocatrice de la gène des théologiens lorsque les textes dits "sacrés" sont soumis à l'examen critique.

Un exemple représentatif des sources spirituelles qui inspirent le Coran est donné en (II, 120), verset déjà cité, où les infidèles ne sont que les jouets d'un Dieu criminel. Les sourates VII et XI sont des monuments de haine où le Coran rappelle la puissance de destruction de ce Dieu sensé apporter paix et amour. La liste est longue: versets 60 à 100 pour la sourate VII. Les compétences divines sont multiples: noyade (VII, 62): "Mais ces hommes le [Noé] traitèrent d'imposteur. Nous avons sauvé lui et ceux qui l'ont suivi dans son vaisseau, et nous avons noyé ceux qui ont traité nos signes de mensonge." (voir aussi XI, 45 et XXV, 39), commotion (VII, 76): "Alors une commotion violente les surprit, et le lendemain les trouva morts et gisant dans leurs maisons. ", pluie diluvienne (VII, 81): "Nous fîmes pleuvoir sur eux une pluie... Regarde quelle a été la fin des coupables.", tremblement de terre (VII, 88): "Un tremblement de terre violent les surprit, et le lendemain on les trouva morts, gisants dans leur maisons.", tempête (XI, 70): "Une tempête violente surprit les méchants; le lendemain ils furent trouvés gisants morts dans leurs habitations.", ainsi que (XI, 97), et enfin le feu, supplice de prédilection (XI, 108): "Les réprouvés seront précipités dans le feu.". Les destructions divines ne souffrent aucun amateurisme, elles sont complètes (XXV, 38): "Nous leur dîmes: Allez vers le peuple qui traite nos miracles de mensonges. Nous détruisîmes ce peuple d'une destruction complète.", ainsi que (XXV, 41): "A chacun de ces peuples nous proposions des paraboles d'avertissement, et nous les exterminâmes entièrement.", et sélectives (XXVIII, 59): "Nous n'avons exterminé que les villes dont les habitants étaient impies.". Moïse présente le même tempérament coléreux que JC contre les marchands du temple (VII, 148): "Moïse revenu au milieu de son peuple, rempli de colère et de dépit, s'écria: Détestable action que celle que vous avez commise pendant mon absence! Voulez-vous hâter la vengeance de Dieu? Il jeta les tables, saisit son frère par la tête et l'attira vers lui.". Et, plus loin, (II, 153): "Moïse prit dans le peuple soixante et dix hommes pour les faire comparaître devant nous. Un violent tremblement de terre les frappa et les engloutit."

En voulant se rattacher à son illustre prédécesseur, dont l'efficacité à regrouper les croyants sous la bannière d'une même religion est avérée, le Coran ne fait qu'insister sur ses fondements haineux. Les mythes principaux tels que Moïse, Abraham et Noé sont ressassés infatigablement jusqu'à saturer le lecteur de contes emplis de cités détruites et de peuples exterminés. Un bel exemple d'œcuménisme judéo-christiano-musulman.

Un islam peu populaire
L'hypothétique Jésus ne fut pas très chanceux dans son entreprise de conversion des foules, les Evangiles soulignent maintes fois le faible nombre des convertis. Mahomet n'eut pas plus de succès, le Coran ne cesse de le déplorer. Ainsi, le prophète ne subi que moqueries dans ses prêches (IV, 139): "On vous a déjà révélé dans le Coran que lorsque vous êtes là pour écouter les signes de Dieu, on n'y croit pas, on les prend en dérision". Les incroyants sont sourds à toute parole, à tout miracle (X, 97): "Quand même tous les miracles seraient faits, ils ne croiront pas, jusqu'à ce qu'ils éprouvent le châtiment terrible ". Mais Dieu l'affirme lui-même (XI, 20): "Ne conserve aucun doute sur ce livre: il est la vérité même; mais la plupart des hommes n'y croient pas"ainsi que dans (XVI, 26): "Quand on leur demande: Qu'est ce que Dieu vous a envoyé d'en haut? ils disent: Ce sont les fables de l'antiquité", et (XXXVII, 14 et 15): "S'ils voient un signe d'avertissement, ils s'en rient. C'est de la magie pure, disent-ils.", et les incroyants ont tout à craindre (XIII, 32): "Avant toi, mes ministres furent les objets de la raillerie; j'ai accordé un répit aux infidèles, puis je les ai châtiés; et quels furent mes châtiments!". L'enseignement du Coran a, paradoxalement, l'effet contraire de celui prévu (XVII, 43): "Nous avons répandu des enseignements dans ce Coran, afin que les hommes réfléchissent; mais il n'a fait qu'augmenter votre éloignement.". Les hommes restent désespérément insensibles à tout message subliminal (XXVI, 7): "Il y a des signes dans ceci mais la plupart des hommes ne croient pas.". On assiste alors en (XLIII, 88) au compte rendu de Mahomet à son supérieur sur son œuvre infructueuse: "Dieu a entendu ces paroles de Muhammad: Seigneur, le peuple ne croit pas".

Enfin, l'infidèle apparaît, dans la sourate LV, comme un esprit borné à la négation systématique où chaque verset est suivi de "Lequel des bienfaits de Dieu nierez-vous?", un procédé adroit pour assimiler l'incroyant à un personnage obtus et inguérissable.

L'eau divine
L'art de la météorologie est un des nombreux attributs de Dieu et les musulmans ne se privent pas d'avoir recours à ce grand maître pour invoquer des changements climatiques. Le Coran affirme de façon répétée que Dieu a droit de vie et de mort sur la Terre entière et, en particulier, qu'il gère lui-même l'approvisionnement en eau. Pourquoi la plupart des pays musulmans restent-ils désespérément secs n'est probablement qu'une interrogation déplacée.

Ainsi, le Coran s'affirme comme un vrai précis de météorologie (VII, 55): "C'est lui qui envoie les vents avant-coureurs de sa grâce. Nous leur faisons porter les nuages gros de pluie et nous les poussons vers le pays mort de sécheresse; nous en faisons descendre l'eau, et par elle, nous faisons sortir tous les fruits.", voir aussi (XV, 22) et (XXIV, 43). L'ultime demeure des croyants fait miroiter une hydrographie bucolique (XIII, 35): "Voici quel sera le jardin promis à ceux qui craignent: le jardin où coulent les fleuves, il leur fournira une nourriture et une ombre inépuisables. ". Dieu étant à l'origine de toutes choses, il s'est chargé du dur labeur initial (XXI, 31): "Les infidèles ne voient-ils pas que les cieux et la terre forment une masse compacte, et que nous les avons séparés, et qu'au moyen de l'eau nous donnons la vie à toutes choses?". Dieu créateur, mais aussi Dieu agronome (XXII, 5): "Tu as vu tantôt la terre séchée; mais que nous y fassions descendre de l'eau, la voilà qui s'ébranle, se gonfle et fait germer toute espèce de végétaux luxuriants.", voir aussi (XXII, 62), (XXV, 50 et 51) et (XXXV, 10 et 25). Les prières pour la pluie sont naturellement bien fondées puisque (XLII, 27): "Quand ils désespèrent de la pluie, c'est lui qui la leur envoie par averses.", et (LXXI, 9 et 10): "Je leur disais: Implorez le pardon du Seigneur; il est très enclin à pardonner. Il vous enverra des pluies abondantes du ciel.". Et pour faire taire les sceptiques, rien de mieux que de les soumettre à la question (LVI, 68): "Est-ce vous qui la [l'eau] faites descendre des nuages ou bien nous?".

Croyances obsolètes que cette responsabilité divine dans les précipitations? Les Talibans d'Afghanistan ne l'entendent pas ainsi. En janvier 1999, leur chef suprême a appelé des milliers d'afghans à prier pour la venue de la pluie. La scène s'est déroulée dans le désert de Bagrami, aux abords de Kaboul. Qui parle de frontière entre superstitions et religions ?

Source : Atheisme.org

18.2.15

Misère de la philosophie














Il est bien exceptionnel que je lise encore un livre de philosophie. Peut-être depuis qu’André Warusfel, qui fut mon professeur de maths, m’a appris que nous utilisions un langage dégénéré. Que les littéraires se rassurent, il n’y a là rien de péjoratif : tous les langages naturels sont dégénérés, y compris celui qui nous est commun à tous, le code ADN, dont c’est une des principales richesses. Cela signifie qu’un mot peut n’avoir aucun sens ou plusieurs, et que plusieurs mots peuvent avoir le même sens. Plus simplement, qu’il y a des homonymes et des synonymes. Les poètes savent combien est précieuse cette ambiguïté, qui suggère au lieu d’affirmer, et qui fait de leur art l’expression de l’imaginaire.

L’ennui est que ce langage est totalement inapproprié au raisonnement rigoureux parce qu’il peut conduire à des contradictions internes. La théorie de la complexité nous apprend par ailleurs que ces petites nuances dans le sens, dans la définition ou dans l’interprétation des mots, peuvent conduire à des divergences considérables dans les conclusions finales. En d’autres termes, si un penseur a une conviction quelconque, il trouvera toujours un ou plusieurs discours logiques pour la démontrer, mais la façon dont il le fera n’a aucune importance, car il aurait tout aussi bien pu démontrer le contraire si sa conviction eût été autre. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de la cacophonie entre les belles théories dont le monde regorge, qui ont toutes l’apparence de la rationalité, mais ne traduisent en fait que des a priori différents, livrés avec un kit de justification théorique, préfabriqué, mais facultatif.

Je connais quelques philosophes de ma génération qui ont très bien réussi en répandant dans tous les médias le miel d’une pensée profonde, savante et consensuelle, qui emporte la conviction. Sauf qu’il donnaient déjà des conseils au monde quand je n’étais encore qu’étudiant ! Il m’a fallu plus d’une fois recourir au judo pour accéder aux amphis où avaient lieu mes cours, du fait que les disciples de ces jeunes prophètes en bloquaient les portes, revendiquant un diplôme pour tous et sans contrôle des connaissances, au nom de l’égalité des hommes et de Mao Tsé-toung qui était la coqueluche de l’époque. J’ai pu me documenter sur le monde ailleurs que dans leurs écrits, mais je dois reconnaître qu’ils ont fait leur chemin, bien que leurs égarements du passé portassent plutôt à se méfier de leurs jugements d’aujourd’hui. Il faut croire que le filon était bon, car même s’il ne sont pas philosophes, les anciens trotskistes, maoïstes, néo-communistes, archéo-socialistes et autres tiers-mondistes vivent toujours de leur verbe et de la crédulité des gens. Qu’ils soient recyclés dans la politique, dans les ligues de vertu, dans l’antiracisme ou dans la défense des droits de l’homme, qu’ils écrivent dans les journaux d’opinion ou revendiquent dans les syndicats d’enseignants, ils appâtent toujours le chaland sur l’air des lendemains qui chantent avec de nouvelles paroles adaptées à l’air du temps.

Il y a une dizaine d’années, deux professeurs de physique théorique, Alan Sokal et Jean Bricmont, ont publié un article fumeux à dessein, et qui n’avait aucun sens, mais qu’ils avaient réussi à faire accepter par une revue américaine prestigieuse - Social Test -. Le comité de lecture n’y vit que du feu, habitué qu’il était aux écrits hermétiques et alambiqués de toute une flopée d’intellectuels spécialistes en sciences humaines, dont un bel échantillon d’intellectuels français. Après avoir révélé leur canular, ces scientifiques ont publié un livre, Les impostures intellectuelles, dans lequel ils reproduisaient, en les commentant, des textes illustrant les mystifications physico-mathématiques de ces charlatans d’un nouveau genre qui ont toujours une grande notoriété aux Etats Unis. Je ne les citerai pas, car je ne voudrais vexer personne, mais il n’est pas besoin d’aller aux Etats Unis pour découvrir des publications qui se disent de sciences humaines et utilisent un jargon prétentieux et obscur pour faire croire à une érudition scientifique qui ne résiste pas longtemps à l’analyse.

Dans la polémique qui a suivi, un des philosophes prospères dont je parlais plus haut est monté au créneau, peut-être vexé de n’avoir pas été cité parmi les intellectuels français qui comptent aux USA, certainement aussi parce qu’il n’admettait pas qu’on parle avec légèreté de la psychanalyse dont il défendait à longueur de tribune l’évidente efficacité, à preuve qu’il l’avait essayée et que chacun pouvait constater qu’il était guéri. Son jugement fut sans appel : il s’agissait de deux « benêts » qui essayaient de traîner dans la boue tout ce que la seconde moitié du XXe siècle avait produit de grands philosophes et de penseurs. (Je cite de mémoire, car je ne garde du Point que les éditoriaux de Claude Imbert. Le mot benêt cependant est bien gravé dans ma mémoire).

Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’Education nationale s’alarmait récemment de ce que les filières littéraires étaient délaissées par les meilleurs éléments qui leur préféraient les orientations scientifiques. J’ai des raisons de croire que ce phénomène n’est pas nouveau, même s’il a pris de l’ampleur ces derniers temps. Cela me rappelle ma révolte le jour où mes parents et mes professeurs avaient décidé, sans me consulter, qu’il fallait que j’apprenne le grec pour perfectionner mon latin ! Les temps changent : le rôle essentiel de la culture est de permettre à chacun de développer un talent qui lui permettra de se rendre utile dans la société, en contrepartie d’une gratification vicariante. La société devenant de plus en plus complexe, les sciences deviennent indispensables pour s’y insérer, et l’on est bien obligé de délaisser quelque peu les matières autrefois classiques pour loger dans son emploi du temps les indispensables de notre temps.

La philosophie fait partie des fondamentaux de la culture classique. Elle fut longtemps le principal support de l’intelligence et a construit le berceau de la science. Elle nous a apporté l’essentiel des progrès de la morale, et nos notions des valeurs. Mais la plupart des grands philosophes étaient aussi de grands savants ou de grands mathématiciens. Descartes, Pascal, et autres génies de cette trempe, n’ignoraient rien de la science de leur époque. Depuis Henri Poincaré, aucun savant n’a plus été considéré comme universel ! La science a dû se séparer de la philosophie pour continuer seule le laborieux défrichage de la connaissance.Un grand classique comme Bergson n’a jamais pu accepter ni comprendre la théorie de la relativité, parce qu’elle allait à l’encontre de ses convictions.

La philosophie s’est cantonnée à ce que lui laissait la science : la morale, une partie du vivant, la presque totalité de l’homme. Mais c’est encore trop ! Le vivant est décrypté de mieux en mieux par les biologistes qui étendent à l’homme leurs découvertes. La médecine, qui était un art, devient peu à peu une science. Et les philosophes eux-mêmes ne peuvent plus ignorer la science : comment peut-on parler de l’homme, si on ne connaît pas l’œuvre de Darwin sur l’origine des espèces ? Que valent les discours des classiques qui l’ont précédée ? Ces interrogations rappellent que les philosophies sont toutes parties de ce qui était tenu pour vrai à une époque donnée. Les axiomes ont donc changé et changent de plus en plus vite : les connaissances de l’humanité doublent tous les quinze ans, c’est-à-dire à peu près le temps d’une scolarité. Peut-on encore se contenter de citer les maîtres comme si les connaissances s’étaient figées depuis ? On ne peut plus parler du monde, de l’homme, ni même de la morale, sans connaître bien la nature humaine, non par une étude exhaustive de ce qu’en ont dit les anciens, mais par la prise en compte, combien plus difficile, de ce qui, chaque jour, vient invalider ce qu’on tenait pour certain et qui nous oblige en permanence à réajuster nos repères.

Il faudrait parler ici des mécanismes de la pensée. Il faudrait parler ici de l’origine des sentiments. Il faudrait parler ici de ce que dit la neurobiologie du libre-arbitre, c’est-à-dire de la liberté. Il faudrait complètement révolutionner les esprits ! Mais comme le dit Gérald Edelman, ce prix Nobel de médecine qui préside la Neurosciences Research Fondation : « Est-il possible de résumer une théorie de la conscience en un bref aperçu ? Je ne pense pas que ce soit possible si on ne s’adresse pas à ceux qui ont déjà accompli tout le parcours. C’est à destination de ce public que je voudrais essayer. »

Ça ne sera pas facile : dans un livre remarquable publié il y a deux ans, Science et philosophie, un major de Polytechnique, féru de mathématique, Alain Stahl, nous offrait la synthèse de quinze ans de réflexions sur l’état actuel de la connaissance. Au cours de quelques mails que nous avions échangés, je lui avais reproché de manquer de cohérence dans le chapitre où il abordait le cerveau, l’esprit, la conscience et la liberté. Il finit par me concéder que le chat qui jouait avec la souris n’était pas une expression du libre-arbitre, mais en ajoutant que sur le fond, nous ne pourrions jamais nous convaincre l’un l’autre. On ne peut soupçonner ce savant ingénieur de manquer de rigueur ni d’informations, et on pourrait croire qu’il fait partie de ceux « qui ont déjà accompli tout le parcours », lui qui affirme : « Tout physicalisme cohérent ne peut que nier la liberté », et qui cite Spinoza : « (Les hommes) se croient libres pour la seule raison qu’ils sont conscients de leurs actes et ignorants des causes pour lesquelles ils sont déterminés ». Mais depuis toujours, l’homme a fait l’hypothèse de Descartes, en séparant l’âme et le corps. Il sera bien difficile de le convaincre que c’est son contemporain hollandais qui avait vu juste, comme le démontre Antonio R. Damasio, directeur du Département de neurobiologie de l’Université de l’Iowa, dans deux livres sans ambiguïté : L’erreur de Descartes et Spinoza avait raison.

La science pourra-t-elle un jour dissiper les mirages qu’a fait naître la philosophie, ou faudra-t-il laisser tant de monde sur le bord du chemin ?

Source : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=15066

5.2.15

Qui ira le premier enterrer l'autre ?

Chaque jour, je reçois beaucoup de livres, beaucoup de livres que je n’aurais jamais achetés, beaucoup de livres que je garde parce que je ne jette pas les livres, beaucoup de livres accompagnés de lettres qui me rendent d’autant plus hommage que l’index, les notes et la bibliographie m’ignorent, beaucoup de livres à compte d’auteur, autrement dit, de non-livres… Depuis plus de vingt-ans, je peux compter sur les doigts de la main ceux que je reçois et dont je m’étais dit que je les achèterais…

Au courrier du deux janvier, je découvre dans une enveloppe trois petits livres parus dans la collection Blanche de Gallimard : Un peuple de promeneurs, sous-titré Histoires tsiganes, Sur l’épaule de l’ange (avec une demie page de préface de Christian Bobin dont le nom n’est pas sur la couverture), et Paroles perdues (avec une préface de Jean Grosjean). Leur auteur ? Alexandre Romanès. L’un des trois ouvrages possède une (belle) dédicace écrite horizontalement sur la page.

Il faut toujours moins d’une minute pour savoir ce que vaut un livre : le tout est dans la partie, le grand tout se trouve même dans la petite partie. Dix phrases disent dix livres. Je tombe en arrêt… J’ignore tout de cet auteur qui me stupéfie… Ce joueur de luth, ancien dompteur de lions ayant créé le seul cirque tzigane au monde, publie des poèmes qui pulvérisent ce petit monde de la poésie qui s’agenouille habituellement devant l’ésotérisme, l’intellectualisme, le cérébralisme…

Cet homme qui a appris tardivement à lire et à écrire fut l’ami de Genet et de Grosjean. Il écrit comme Dieu devait écrire après avoir créé le monde : simple et sobre, direct et droit, efficace et précis, économe et franc, fort et clair, ferme et lumineux, compact et juste. Un poète qui affirme : « Ce qui ne compte pas, / il faut se battre pour l’avoir », ou bien : « Qui ira le premier enterrer l’autre ? », ou bien encore : « Quand on m’a dit ‘elle est morte ‘, / je n’ai pas versé une seule larme : / j’ai marché toute la nuit », celui-là fait partie des plus grands. Alexandre Romanès est un moraliste du grand siècle et un fabuliste en prose, un connaisseur du cosmos et un homme avisé des gens, un sage sans livres et un nomade enraciné dans l’univers.

En une poignée de mots qui auraient pu se contenter d’être dits, mais jamais écrits, il raconte : l’amour de ses filles, la rudesse d’un ancêtre aimé, la mort du père, la grandeur de la famille, la simplicité de Dieu, le sens de la mort et celui de l’or, la culture des coups, le rôle cardinal des femmes, le mépris de ce qui s’achète, le trésor de l’air, du vent, des étoiles, des paysages, le goût des voyages, la vanité de la propriété (à la mort du plus ancien des deux dans un couple, on brûle tout ce qu’il a, personne n’hérite…), la méchanceté du monde, la grande tristesse des morts, la facilité du bonheur, le sens de l’honneur, la véritable aristocratie, la pierre tombale.

J’ai pleuré, suffoqué ; j’ai lu, relu, lu encore ; j’ai admiré les coups du boxeur et l’élégance du fleurettiste, l’efficacité du tireur à l’arc et la force du lutteur ; j’ai souri et ri aussi à l’humour, à la drôlerie des histoires tziganes, entre le désespoir des caniveaux et l’extase dans la voie lactée. J’ai reposé les livres lus tard dans la nuit, et me suis dit : « Voilà un homme »…

©Michel Onfray

Source : La chronique mensuelle de Michel Onfray | N° 105 – Février 2014

2.2.15

E.O. Wilson et les religions

E. O. Wilson est professeur émérite à Harvard University et fondateur de la E. O. Wilson Biodiversity Foundation. Nous recommandons au lecteur d'y jeter un coup d'oeil.



Dans un livre récent, The Meaning of Human Existence (Liveright, 2014) le grand "sociobiologiste" E.O. Wilson(1) souvent cité sur ce site, constate que si la science actuelle sait à peu près d'où vient l'homme, à peu près aussi ce qu'est l'homme, elle est incapable de prédire où il va. Il ne s'agit pas de prédire l'avenir du cosmos ou du Système solaire, mais simplement de celui de l'humanité dans quelques décennies. Ce sujet suscite de vives discussions, y compris parmi les scientifiques.

Pour lui, l'avenir est noir. Il parle d'une véritable fin de l'anthropocène, cette ère de l'évolution de la Terre inaugurée avec l'arrivée des premiers hommes équipés d'outils. L'homme détruit la Terre à une vitesse dont il ne se rend même pas compte. Ceci d'abord par la destruction accélérée des espèces vivantes. Certains technologues pensent que ceci n'aurait pas d'importance, car il deviendra possible d' "humaniser"la Terre, en la peuplant d'hommes « augmentés » de multiples façons, sur le mode des cyborgs. Ces post-humains pourraient fabriquer eux-mêmes, sans faire appel à la nature, les produits dont ils auraient besoin(2).

En fait la biosphère est un système dont nul scientifique n'a encore bien appréhendé la complexité. C'est aussi un système fragile, ne recouvrant la surface de la planète que sur une épaisseur moyenne de quelques centimètres. Or l'homme et son esprit, qu'ils soient augmentés ou non par des prothèses robotisés, ne peuvent absolument pas fonctionner en dehors de cette biosphère. Elle les conditionne dans la totalité, sans même qu'ils s'en rendent compte.

La destruction de la biosphère va s'accélérer, jusqu'à un point de non-retour ou tout s'effondrera, les humains avec elle. De plus en plus de scientifiques l'affirment, mais ils n'attirent pas l'attention, ni des foules ni des décideurs. Ce fait étonnant, pour Wilson, peut s'expliquer par ce qu'il nomme la structure tribale de l'humanité. Toutes les idéologies et les religions ont développées des vues sur l'avenir, mais ceci au sein de groupes tribaux qui en ont fait des dogmes leur permettant d'assurer leur unité et de s'imposer aux autres. Les religions, qui sont présentes encore dans les 9/10 de l'humanité environ, imposent des visions de l'avenir, intéressant la vie ou une prétendue après-vie, qu'elles développent au sein de groupes tribaux refusant absolument de changer de vision afin de préserver leur cohésion.

Les religions, une malédiction

Wilson constate qu'aux Etats-Unis, pays où les sciences sont pourtant parmi les plus développées, il est pratiquement impossible de faire carrière si l'on n'affirme pas une croyance, quelque soit cette croyance. L'essentiel est de n'en pas démordre. Et pour ces croyants, aussi généreux et charitables soient-ils par ailleurs, tous ceux qui ne reconnaissent pas leur croyance ne mérite pas de vivre(3).

En fait, pour Wilson, ce qui est en train de faire périr l'écosystème, et avec lui l'humanité, ce sont les croyances religieuses. L'athéisme, pour lui, n'est pas vraiment une solution, car les athées (de moins en moins nombreux d'ailleurs malgré les apparences), se divisent aussi en tribus se construisant autour de « croyances » scientifiques incompatibles. Ceci malgré le fait que, comme le rappelle le grand cosmologiste franco-italien Carlo-Rovelli, la science ne devrait pas apporter de réponses définitives, mais questionner sans cesse ce qu'elle ne sait pas encore(4).

Or ce que Wilson nomme la pulsion théologique paraît inséparable selon lui de tout ce qui fait l'espèce humaine. L'humanité en tant qu'espèce, et les groupes humains à l'intérieur de cette dernière, ne peuvent pratiquement pas s'imaginer eux-mêmes sans faire appel à une vie après la vie et à un Dieu omniscient qui les accompagnerait en permanence. C'est l'une des raisons pour laquelle les humains, quels qu'ils soient et quelles que soient leurs activités, ne s'inquiètent pas de la fin probable de la biosphère. Dieu y pourvoira et de toutes façons, il y aura une vie après la vie.

Il en résulte que la survie de la biosphère passe, pour lui, par la disparition des croyances religieuses. Mais comme celles-ci ne disparaîtront pas d'elles-mêmes, il serait intéressant de rechercher les causes biochimiques, phéromones ou autres, provoquant leur installation dans les organismes. La tâche sera sans doute très difficile. Elle provoquera l'indignation de nombreuses personnes qui parleront d'une intrusion inadmissible des scientifiques dans le fonctionnement des consciences.

La tâche sera d'autant plus difficile que si l'on voulait réduire les pulsions profondes générant des croyances mortelles pour la Terre, il ne faudrait pas pour autant réduire d'autres pulsions et tendances poussant l'humain, et notamment le scientifique, à se poser des questions concernant ce qu'il ne sait pas. Les animaux ne sont pas religieux et paraissent très bien vivre sans cela. Mais ils ne s'inquiètent pas vraiment de ce qu'ils ne savent pas. Ils n'ont donc jamais pu développer les immenses édifices propres à la science moderne, dont tous ne sont pas meurtriers.


Notes (1) La sociobiologie étudie des fondements biologiques présumés des comportements sociaux recensés dans le règne animal, y compris au sein de l'espèce humaine.

(2) C'est la thèse que défendent, au sein de firmes comme Google, certains visionnaires en fait irresponsables. Ils en arrivent à pronostiquer l'immortalité.

(3) Wilson cite les chrétiens, mais il pourrait en dire autant des musulmans. L'auteur de ces lignes correspond parfois avec quelques ingénieurs ou médecins musulmans, censés être d'esprit ouvert. Pour eux, les réponses aux questions un peu difficiles se trouvent dans le Coran, à l'intérieur de passages incompréhensibles pour les athées, auxquels ils attribuent des sens précis.

(4) Voir Carlo Rovelli, "Par delà le visible", égitions Odile Jacob 2014. Nous en proposerons prochainement un aperçu.


Source: Jean-Paul Baquiast - 29/01/2015 © Automates Intelligents