10.7.06

Z comme...

Le coeur est devenu une composante essentielle de la vie publique. Nous sommes entrés depuis plusieurs années déjà dans la société de l'émotion. Quelle qu'en soit sa nature, l'événement, pour peu qu'il soit d'ampleur, suscite un profond sentiment. L'enthousiasme, la joie , la peine, la compassion saisissent alors les foules. Les voilà vite mobilisées, prises dans un élan collectif, souvent mondial. Les voilà aussi vite oublieuses, sautant sans gêne d'un phénomène à l'autre du moment qu'une nouvelle poussée d'adrénaline vient relancer les mouvements du coeur. Bref, nous consommons de l'émotion comme n'importe quel autre produit. Il ne fait évidemment pas très bon, dans un tel climat, miser sur la raison et en appeler à l'esprit de responsabilité. C'est qu'on ne veut guère, pour utiliser une expression à succès, se prendre la tête. Le droit à l'inconscience n'est pas encore revendiqué, mais cela ne saurait tarder. Et il arrive qu'on sente çà et là comme un devoir d'insouciance, tant le monde paraît compliqué si l'on se penche trop sur son sort et les problèmes ardus pour peu qu'on les examine l'esprit froid. Ainsi, à la fois, les sociétés occidentales modernes sont-elles partagées entre le scepticisme, qui ruine le goût d'entreprendre, et l'émotion qui, à forte dose, obère la réflexion. Coup de sang, coup de boule et carton rouge, il faut voir au moins un signe positif à l' issue tragique de l' idole, comme l'ultime empreinte d'un Dieu vivant redevenu un homme devant des centaines de millions de téléspectateurs. Dans son exil d'icône du foot, milliardaire, Zinédine Zidane avait bien emporté avec lui les reliquats d'un passé de quartier, un coup de tête, comme un vieux reste de la Castellane. A nous il ne reste que du bleu au coeur aussi...