1.6.06

La diplomatie du pipeline

Hu Jintao, le président de la république populaire de Chine, sillonne le monde sans relâche depuis quelques mois. Et son itinéraire est d'abord le reflet d'une priorité: garantir à la machine économique chinoise les moyens en ressources énergétiques et autres matières premières nécessaires à un rattrapage accéléré. Pouvoir offrir, en l'espace d'une vingtaine d'années, à quelque 1,4 milliard d'individus un niveau de vie digne des pays occidentaux - l'objectif avoué des dirigeants chinois - exige en effet de sécuriser au plus vite les approvisionnements en ressources.

A commencer par le pétrole. Aujourd'hui, la consommation d'énergie par habitant est de 1,2 tep (tonne équivalent pétrole) en Chine (7 en Amérique du Nord, 4,5 en zone euro). C'est dire si le potentiel de hausse de la consommation chinoise d'énergie est considérable. Voilà pourquoi, au cours des dernières semaines, l'or noir était au coeur des discussions en Arabie Saoudite, au Maroc, au Nigeria et au Kenya. Peu avant son arrivée à Lagos, le département nigérian des res-sources pétrolières faisait savoir, par exemple, que la Chine s'était engagée à « investir 4 milliards de dollars dans la raffinerie de Kaduna (au nord du pays) dans le cadre d'un projet d'accord portant sur quatre licences d'exploitation ». La tournée en Arabie Saoudite de Hu Jintao s'est également soldée par un accord cadre sur la coopération énergétique entre Sinopec, le plus gros raffineur d'Asie, et le saoudien Aramco.

Parallèlement, les Chinois ont signé avec les iraniens un accord gazier, ce qui évidemment n'est pas neutre dans le contexte géopolitique actuel. Derrière cette « diplomatie du pipeline », une totale redistribution des cartes économiques et géopolitiques se profile à l'horizon, et d'abord sur le continent africain où la Chine se pose de plus en plus en alternative face aux puissances occi-dentales et à leurs exigences (géopolitique, droits de l'homme, environnement).

source: Enjeux juin 2oo6