Les indicateurs dans le rouge
Deux études scientifiques, l’une sur la fonte de la banquise et l’autre sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre, révèlent des résultats plus alarmants que prévu. La croissance moyenne des émissions de CO2 est passée de 1,1% par an dans les années 1990 à 3% depuis les années 2000. Une augmentation qui correspond au pire des scénarios établis par le Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC).
Les indicateurs du réchauffement climatique sont dans le rouge. Fin octobre, ont été présentés les résultats de l’expédition Tara, plus de 400 jours de dérive sur la banquise dans l'Arctique, dans le cadre du projet européen Damocles (Developping Arctic Modelling and Observing Capabillities for Long-term Environmental Studies) qui réunit 45 laboratoires issus de 10 pays européens. Leur constat est sans appel. Les scientifiques embarqués à bord de la goélette polaire Tara ont pu constater « un recul spectaculaire de la banquise de plus d'1 million de km2 de glaces de mer entre septembre 2005 et septembre 2007 » et une « accélération de la vitesse de la dérive transpolaire qui va du détroit de Béring au détroit de Fram ». Cette augmentation sortira l’expédition de l'Océan Glacial Arctique avant la fin 2007, alors que selon les prévisions, la sortie devait s’effectuer à l'été 2008. « Cette accélération des mouvements de la dérive transpolaire arctique, peut en partie être tenue pour responsable de la diminution de la surface couverte par la banquise à la fin de l’été 2007 », expliquent les scientifiques, qui ont parcouru la banquise à une vitesse 2 fois plus élevée que ce qu’ils avaient anticipé et 3 fois plus élevée que ce que les modèles avaient prédit. Autre phénomène en accélération, la fonte de la banquise : « nous avons constaté une amplification des flaques de fonte à la surface de la banquise qui désormais recouvrent plus de 50 % de la surface de la banquise en été et une augmentation de la pluviosité dans le secteur situé entre le Groenland, le Spitsberg et le pôle nord géographique liée à des entrées d’air chaud et humide en provenance du nord de l’Europe », note l’équipage Tara. Les relevés de température ont également révélé la présence de masses d’air chaud à basse altitude. Enfin, au 15 Octobre 2007, la période de formation de la banquise n’avait pas encore véritablement commencé malgré l’arrivée de la nuit polaire. L’océan arctique était toujours libre de glace entre la Sibérie et le Canada.
D'ores et l'équipe de Tara a relevé des indices forts de réchauffement des masses d'air et d'eau. Au cours des 20 dernières années, on enregistre une diminution de 1000° de température en dessous du point de congélation de l’eau de mer (-2°C) intégré sur toute la période de gel qui va de septembre à mai. Des masses d’air chaud supérieur à +10°C ont été observées cet été à basse altitude (400 à 800 m). La température des masses d’eau atlantique a quand à elle augmenté de 0.5° . Pour les responsables de la mission, il est « fort probable » que la banquise arctique aura disparu en été dans les 10 à 15 années qui viennent. « Au rythme actuel d'une perte de banquise de 500 000 km2 en plus chaque année en été et sachant que la surface actuelle à la fin de l'été est de l'ordre de 4 à 5 millions de km2, il suffirait donc de 8 à 10 ans pour que cette banquise d'été disparaisse », signale l'équipe de la mission. A terme, c’est une élévation du niveau de la mer de l'ordre d’un mètre et plus d'ici la fin du siècle.
Le CO2 augmente de 3% par an
Autre indicateur alarmant, celui des émissions mondiales d’émissions de gaz à effet de serre. Selon une étude publiée dans "Proceedings of the National Academy of Sciences", menée par Mike Raupach de l'Organisation pour la recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO), les émissions de CO2 issues des énergies fossiles connaissent une croissance plus importante des dernières années. Ainsi, la croissance des émissions est passée de 1,1% par an dans les années 1990 à 3% depuis les années 2000. Près de 8 millions de tonnes de carbone ont été rejetés dans l'atmosphère en 2005, contre 6 millions il y a 10 ans. "Une des principales raisons (…) est que, globalement, nous brûlons davantage de carbone par dollar de richesse créée", souligne Mike Raupach. Des pays non signataires, comme la Chine, connaissent certes une intensité énergétique encore très forte, mais s’agissant de la moyenne mondiale « tonne de CO2/habitant », elle se situe encore en dessous des pays développés. L'Australie et les Etats-Unis émettent en effet plus de 5 tonnes de carbone par personne et par an, la France 3 tonnes. Depuis le début de l’ère industrielle, les Etats-Unis et l'Europe sont responsables de plus de 50% des émissions totales. Aujourd’hui, la croissance de l’économie mondiale contribue pour 65 % à l’évolution des niveaux de CO2 dans l’atmosphère, affirment les auteurs de l’article. Alors que dans les années 90, le taux de carbone de l’économie mondiale s’améliorait (0,35 kg de carbone par dollar en 1970 et 0,24 kg de carbone par dollar en 2000, la tendance s’inverse depuis, avec un rythme de +0,3% par an.
Diminution des puits de carbone
Autre indicateur alarmant, l’efficacité des puits naturels de carbone (végétation et océans) à travers le monde diminue. Cette baisse est due pour moitié à des changements dans les vents d’ouest dans l’océan du Sud, eux-mêmes provoqués par l’activité humaine. Sur les continents, une série de sécheresses, entre 2002 et 2005, a également contribué à l’affaiblissement des puits de carbone dans le monde. « Il y a cinq ans, pour chaque tonne de CO2 émise, 600 kg étaient éliminés par les puits naturels. En 2006, 550 kg seulement étaient éliminés par tonne et cette quantité diminue », observe Pep Canadell, auteur principal de l’étude.
Bilan : le niveau d’émissions constaté entre aujourd’hui dans les pires scénarios du GIEC (Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), soit une hausse des températures de 6,4°C d’ici 2100. Rappelons que celui-ci doit se réunir à Valence (Espagne) du 12 au 16 novembre pour remettre son rapport final, qui servira de base aux négociations internationales sur le climat, à Bali en décembre. Parvenir à un accord mondial de réduction des GES est impératif : « nous avons découvert que la Terre est en train de perdre sa capacité de restauration pour absorber les émissions de CO2 face aux augmentations massives des émissions au cours du dernier demi-siècle. Plus nous tarderons à réduire les émissions, plus cette capacité de restauration se perdra », avertit Mike Raupach.
Source: Novethic - Véronique Smée
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